Pourquoi le projet Hippomobile du Mont Saint Michel se doit de réussir !
Par Deny Fady le dimanche 20 mars 2011, 01:38 - General - Lien permanent
Si nous sommes critique aujourd'hui vis à vis du projet de navettes hippomobiles au Mont Saint Michel, c'est pour des raisons philosophiques et techniques...
Mais d'abord, levons tout de suite une ambiguïté. Le projet de navettes hippomobiles du Mont Saint Michel doit réussir !
C'est un projet d'envergure (40 chevaux impliqués), d'audience mondiale (Le Mont Saint Michel est un des sites les plus visités au monde), et l'ensemble de la filière nationale et internationale du cheval de trait (du cheval de travail) bénéficiera des retombées médiatiques si ce projet est une réussite.
C'est aussi pourquoi, nous avons tous la responsabilité de faire en sorte que ce projet aboutisse positivement et donc aussi celui d'être critique sur les choix qui peuvent nous apparaître discutables.
Les choix philosophiques...
Avoir choisi (*) une entreprise privée peut-être plus intéressée par un coup de peinture verte sur ses activités (l'avenir nous le dira) que de promouvoir l'énergie animale, est un choix discutable.
Il aurait sans doute été possible de garder la maîtrise du projet dans une structure collective (GIE, Association...) qui aurait regroupé les utilisateurs de chevaux du secteur, les syndicats de race, les haras nationaux (IFCE), les élus locaux et d'autres partenaires d'audience nationale...
Il aurait sans doute aussi été possible de faire un projet purement hippomobile et pédestre, plutôt que mixte avec les navettes automobiles (les passeurs) et hippomobiles (les maringotes), mais celà demandait une prise de risque plus grande sans doute...
Bref, ces choix sont faits, il est trop tard pour les remettre en cause...
On peut espérer qu'une entreprise comme celle qui a été choisie, se donnera les moyens de faire aboutir la partie hippomobile de ce projet au moins pour sauver son image...
(*) L'entreprise Véolia a été retenu via une Délégation de Service Public pour la construction et l'exploitation des parcs de stationnement et des navettes de transports en octobre 2009.
Les choix techniques... Avant de discuter les choix techniques (dont nous reparlerons dans un futur billet), il est peut-être bon de vous faire une synthèse des informations techniques que nous avons réussi à glaner... (ce genre de projet hésite toujours entre une stricte confidentialité technique et l'envie de diffuser aux médias quelques données concrètes pour faire de la mousse...)
NB : certaines données varient suivant les sources, nous les avons données telles que connues...
Les données connues...
Les Maringotes :
Les navettes hippomobiles, sont appelées "Maringotes".
Pour la petite histoire le Littré définit le terme comme : Une petite voiture hippomobile, ordinairement suspendue, garnie de barreaux sur les côtés, et à deux fins, les bancs étant mobiles).
Certains prétendent que les voitures à cheval (souvent appelé "voitures de Genêts) qui à marée basse traversaient la baie, de la pointe des Genêts au Mont Saint Michel, étaient appelées "Maringottes" (avec 1 ou 2 "t"), je n'ai pas trouvé de confirmation de cette information.
Les Maringotes "modernes" ont été conçues par Véolia (qui, dit-on, a déposé un brevet sur leur système directionnel à 2 phases, qui permet un retournement à court rayon de braquage en bout de course).
Ce sont des voitures à pneus, de design moderne, à impériale, de 7 m de long et 2,5 m de large, pour 1,5 tonne de poids à vide (PV) (dans un document, ils parlent de 2 tonnes de PV) et 50 places.
Elles seront fabriquées en région, dans la Manche. Il est prévu de mettre en service 6 Maringotes au maximum (mais on a parlé de 6 à 8 au début).
Elles devraient permettre selon les prévisions de capter 10 à 15% du trafic passagers (3 millions/an de visiteurs au Mont) soit 350.000 personnes par an. Comme les maringotes en PTC (Poids Total en Charge) sont estimées à 5,5 tonnes (j'ai trouvé des indications de 5 à 6 tonnes), j'en conclu que la charge maxi sera de 4 tonnes. Ce qui correspond à 50 personnes de 80 kg de moyenne ce qui semble une moyenne plutôt importante (famille avec enfants) sauf à charger plusieurs équipes de rugbymen. Si la charge maxi est à 5,5 tonnes, la charge moyenne, elle, est estimée à 3 tonnes.
Le parcours :
C'est un parcours routier sur un pont dont le tablier doit rester peu épais (le plus "transparent" possible pour ne pas gêner l'esthétique du site, nous a-t-on dit), ce qui expliquerait que l'on ne peut pas y placer des rails pour utiliser un tramway plutôt qu'un omnibus.
Si le Mont est à 2,4 km du parking, seulement 2 km seront couverts par les navettes, il restera 400 m à faire à pied...
Il est prévu de faire une pente descendante à 2cm/m (2%) au 2 bouts pour faciliter le démarrage des maringotes après le chargement (mais donc il y aura aussi une pente montante de 2% en fin de chaque aller et de chaque retour).
Le parcours doit se faire au pas sur 500 m, puis au petit trot sur un kilomètre, puis au pas sur 500 m. J'ai trouvé des vitesses prévues de 5 km/h, 7 km/h ou 8 km/h (sans précisions).
L'aller simple doit prendre une vingtaine de minutes (on parle aussi de 30 minutes).
Il n'est pas prévu de pose sauf le temps d'arrêt pour le déchargement-chargement des passagers.
Un aller-retour se fait donc en environ une heure, soit 3 aller-retours en 3 heures (temps d'utilisation voulu pour une paire de chevaux dans une journée, et ce, 5 jours pas semaine.
Départ prévu pour les maringotes toutes les 15 mn en basse saison et toutes les 5 mn en très haute saison (il faudra alors plus de 6 maringotes dans ce cas là).
Le vent maxi qui a été pris en compte est de 50 km/h (les maringotes seront-elles immobilisées si le vent est plus fort ?).
Les chevaux :
Il faudra 40 chevaux (on parle aussi de 38), des Percherons (850 kg), Cobs-Normands (650-750 kg) et des Postiers-Bretons.
Norbert Coulon sera propriétaire des chevaux qui seront loués à Véolia, il assurera leur dressage et leur entraînement. L’écurie sera installée à Beauvoir, près du Mont-Saint-Michel.
Au printemps 2011, trois syndicats de races (percherons, bretons et cobs normands) présenteront les chevaux sélectionnés par leurs éleveurs. Les chevaux recherchés sont, de préférence, des mâles et des hongres adultes (au moins 5 ans).
La formation des meneurs des Maringotes commencera à l’automne 2010 afin qu’ils soient prêts en novembre 2011. Cette formation est assurée par le lycée agricole de Saint-Hilaire du Harcouët dans la Manche.
Norbert Coulon mettra à disposition des meneurs expérimentés pour les former sur les particularités des Maringotes.
Les tests et l'entraînement :
En attendant un protocole d'essais a été mis en place en collaboration avec le Docteur Mathilde Audic de Coutances (Manche), vétérinaire spécialisée en contrôle de chevaux d’endurance en compétition.
Ces phases de test ont pour objectif de définir les conditions optimales de travail des chevaux : rythmes journaliers et hebdomadaires, soins et contrôles vétérinaires, ferrures et harnais...
Une première phase de tests d'effort a permis de déterminer la limite de poids que les chevaux pouvaient tracter sans risque.
"À chaque type d'effort, nous avons mesuré les températures corporelles, les rythmes cardiaques, respiratoires et procédé à des prises de sang afin de vérifier les taux de lactate, significatifs du degré de fatigue musculaire, explique le Dr Audic. Au vu des analyses, nous estimons que des chevaux de traits entraînés peuvent sans difficulté tracter une charge de 10 tonnes. Nous savons que pour un travail d'endurance, il faut être aux alentours de 60 % de la charge maximale. Soit 6 tonnes pour les chevaux de traits qui vont être utilisés sur le site du Mont-Saint-Michel. La Maringote sera, en charge maximale, de 5,5 tonnes, et seulement de 3 tonnes en charge normale."
"Depuis cet automne, trois paires de cobs, percherons et bretons sont testés en situation réelle. Les chevaux semblent à l'aise dans ce nouveau travail, précise le Dr Audic. Avant le début de cette longue période de travail, une série d'examens a été réalisée : échographies des tendons, radiographies des membres, contrôle des lactates... Au bout des six semaines, les mêmes examens permettront de comparer les éventuelles évolutions."
A suivre sur le blog : une lecture critique des choix techniques retenus...
Commentaires
Concernant l'histoire des pentes (comment on fait pour monter la Maringote en fin de course ? et aussi : c'est bien joli d'utiliser la pente pour fournir la première accélération nécessaire au passage de la vitesse 0km/ à disons 4km/h au bout de la pente -passage de l'arrêt au petit pas- mais ils font comment pour compenser celle nécessaire au passage du pas au trot soit de 6km à 9km ??), je rencontre un certain M. Pennel de Véolia Transport demain, qui sera là pour présenter le projet autour d'une table-ronde, j'essaierai de lui poser la question et de vous rapporter une réponse...
Le mont st Michel est une vitrine de la France pourquoi prendre les trois races locale n'oublions pas les six autres races, même si pour certaines races y a du boulot pour pouvoir présenter une paire. Arrêtons de faire des barriques et refaisons des athlètes digne du nom (trait) on va en avoir besoin avec le litre de gasoil à 1'50e.
bonjour
excusez moi mais je ne vois pas en quoi le sort des chevaux de traits dépend du succès de véolia
le site du mont est un spot économique et si véolia à pris le monopole de l'acheminement des personnes sur le site c'est pour une affaire de gros sous .A partir du moment ou il y a monopole quel que soit le moyen de transport utilisé ça ne peut que marcher.
le projet hippomobile est un autre projet: celui d'un eleveur qui à réussi à convaincre véolia (qui à vu là , certainement pour une une question d'image et de nouvelle tendance,un argument de plus pour obtenir le marché) d'intégrer au projet d'origine une partie hippomobile. Si véolia croyait aux moyen de transport hippomobiles elle ne sou traiterait pas. sans aucun doute ,la logistique d'une écurie de chevaux de travail par rapport à un parc automobile n'a rien à voir, surtout en cas de conflits sociaux (imaginez les chefs de veolia en train de curer les écuries et de soigner les chevaux en cas de grève générale!!!) . la part voué aux chevaux n'est qu'une portion congrue pour le folklore et en concurrence avec des navettes motorisés gratuites 4euros pour un aller simple et 6.50 pour l'aller retour!!! Ce n'est pas parce qu'il y a des calèches à Megève ou à Avoriaz que le sort des chevaux de traits à changé.
Je pense que l'avenir des chevaux de trait et lié au coût de l'énergie et à une remise en cause profonde de notre mode de vie.
yvon
Bonjour,
Je crains que l'on ait pas pris toutes les "précautions" pour s'assurer de la réussite de ce projet (partie hippomobile).
Un simple point concerne les tarifs : le voyage dans les navettes sera gratuit alors que celui en maringote sera payant. Pour une famille en vacances, le choix sera vite fait, on prend le transport gratuit, et on s'offre une crèpe chez la mère poulard !!
Des professionnels reconnus de l'attelage ont, au démarrage, donné leur analyse sur les aspects importants liés à l'utilisation du cheval, mais ils ont été rapidement écartés, car véolia attendait juste un "blanc saint" et non une remise en cause même partielle pour s'assurer la réussite de leur projet.
Ce que je crains c'est que ça ne marche pas, et que se soit tout le monde de l'attelage qui en patisse.
Bonjour,
Bien vu tous vos commentaires, mais comment est-il possible que la navette soit gratuite? Quelle justification donne Véolia?
Merci pour toutes vos informations.
bonjour
Je pense que véolia gère aussi les parking et c'est le prix de ceux-ci qui compense la gratuité des navettes
Bonjour,
Effectivement, le parking est à 8€50, ce qui finance une partie de l'activité.
Lundi, j'ai posé quelques questions au représentant de Véolia Transport Mt St Michel, qui malheureusement n'avait aucune connaissance technique du sujet. Par rapport à la pente "de lancement", une hypothèse est qu'à l'arrivée, les Maringotes s'arrêtent sur le plat, les passagers descendent (on retombe donc à 1,5t), et ensuite les véhicules à vide font demi-tour sur un circuit très légèrement en pente (montante) qui aboutit à la pente de départ...
Bref, on n'est pas beaucoup plus avancés.
Quant à l'importance de réussite de ce projet : il est regardé par tous -et surtout ceux qui ne sont pas de la filière mais qui sont futurs porteurs de projet- comme un exemple test : si Véolia avec tous ses moyens et sur une action qui rassemble beaucoup de points forts pour la TA (site touristique protégé, seulement 2 à 3 km de trajet, à plat, dans un espace rural où il est facile de mettre en place une écurie pour héberger les chevaux...) n'y arrive pas, c'est que le transport hippomobile au XXIe siècle est une utopie réservée à ceux qui ont de l'argent à dépenser pour se faire plaisir -c'est à dire presque aucune collectivité. Donc s'ils se plantent, on revient 10 ans en arrière dans la dynamique des chevaux territoriaux, qui est quand même un débouché non négligeable. Et bien sûr, nous qui sommes des avertis du cheval de travail, nous savons qu'en fait le projet est mené un peu n'importe comment, et qu'un projet mieux réfléchi (en tenant compte des avis et des compétences de toute la filière et non pas d'un seul éleveur/utilisateur) aurait beaucoup plus de chances de bien marcher; mais c'est le monde extérieur qu'il faut convaincre...
Vos commentaires et réflexions sont pertinents.
Pour la défense de Véolia-Transport qui, semble-t-il, n'a pas jugé utile de se rapprocher de la filière équestre et des spécialistes de la TA, je dirais qu'il n'est pas simple de savoir a qui s'adresser aujourd'hui pour ce type projet tant il y a d'organismes :
haras nationaux, IFCE, comité attelage de la fédération française équestre , commission nationale des chevaux territoriaux, entreprises commerciales et associations spécialisées, ... ?
Une autre question va d'ailleurs se poser : quelle(s) qualification(s) devront avoir les cochers qui mèneront ces maringottes hors-norme ?
Pour les autres véhicules classiques qui feront les navettes (bus, minibus,...) les permis et qualifications requises des conducteurs sont très précises selon le véhicule conduit et le nombre de passagers transportés...
Dans un sens ce projet hors norme devrait donc aussi permettre de soulever pas mal de points et faire avancer la cause.
bonjour
Ceci étant dit le projet appartient à l'éleveur qui a négocié avec véolia et à part lui proposer de l'aide (si il en veut) pour rendre cela possible je ne vois pas ce que l'on peut faire d'autre. Enfin si les chevaux territoriaux et autre utilisation de travail ont un avenir au delà de l'effet de mode du moment,cela ce fera même sans veolia et c'est aux utilisateurs de chevaux de le démontrer
yvon
Pour compléter le dernier commentaire de Nini, même si le trajet ne fait que 2/3 km, les chevaux en feront beaucoup plus, car ils feront plusieurs rotations par jour, et ils auront aussi l'aller-retour à l'écurie qui sera à 4 km du site, soit 8km aller-retour en plus ! Kilomètres qui auraient pu être réduits en installant une écurie sur le site.
Bref, beaucoup de km par jour sur du bitume.
A-t'on pensé que la ferrure risquait de s'user plus vite que la repousse du sabot ? en clair, si les fers sont usés en 2 semaines, comment gère-t'on l'attente jusqu'à la prochaine ferrure, car on ne peut pas referrer tous les 15 jours ? on double voire triple la cavalerie ??
ça parait tout bête, mais en étant "le nez dans le guidon", le tandem Véoilia/Coulon a-t'il pensé à ce problème ?