Jérôme Wentzel m'a fait suivre un article sur un projet de production d'électricité par traction animale, nous avions déjà diffusé un petit billet sur le sujet, mais l'article de Jérôme est beaucoup plus complet et il arrive à point nommé pour notre information sur les manège producteurs d'électricité dans la mesure où nous en présenterons un à la manifestation Franche-Comté-Terre-de-traits en aoùt 2010 sur le Village Traction Animale qui sera autonome en électricité...

«Le Bœuf Qui Tourne» production d’électricité par traction animale (systeme BQT) à RFI-Planète Radio.

Des régions enclavées du globe ont des problèmes d’alimentation énergétique et ne peuvent pas écouter la radio ? Voilà une solution locale et indépendante : Le Bœuf Qui Tourne. Deux membres de RFI-Planète Radio ont monté un prototype de générateur électrique qui fonctionne par traction animale … Et ça marche.

L’essentiel du travail de Max Bale et Guénaël Launay, à RFI-Planète Radio, est de monter des radios locales sur le continent africain. En 2006, alors qu’ils terminaient une installation en Centrafrique, Max et Guénaël ont été une fois de plus confrontés à un problème récurrent : faire de la radio exige de l’électricité, donc de l’essence pour nourrir le groupe électrogène. Mais si l’approvisionnement se tarit, c’est la fin de la radio.  Le soir même, au dîner, l’idée germe.

Quand les routes sont noyées, quand le pétrole n’arrive plus ou atteint un prix prohibitif, quand des villages sont coupés du monde, que reste-t-il sur place, partout à la campagne ? Des bœufs, des zébus. Guénaël et Max avaient leur solution : la traction animale. Ils y croyaient à moitié, mais leur rencontre avec Luigi Damontes, un ingénieur italien, fut décisive.

Convaincu d’emblée, Luigi Damontes conçoit alors les plans de la machine, qui sont à l’origine du prototype : un bœuf tourne, accroché à une perche de 2 mètres de long (la flèche), elle-même accrochée à un axe qui, par un système de démultiplication, entraîne un alternateur, lequel produit de l’électricité. Cette électricité traverse ensuite deux batteries de camion et un onduleur, qui redressent le courant pour alimenter… ce que l’on veut : une radio, un réfrigérateur, l’éclairage d’une clinique ou une sono, dans la limite de la production.

Le premier test en grandeur réelle a eu lieu en Bretagne. L’objectif : démontrer qu’il était possible de faire fonctionner une sono d’1 kilowatt (1000 watts) avec le Bœuf Qui Tourne pendant 3 périodes de 2 heures dans la journée.

La machine, une cage de fer d’un mètre d’arrête, contenant les pignons, les courroies d’entraînement, et le matériel électrique était posée au milieu d’une pâture. Faute de bœuf dans la localité, deux chevaux de trait, des postiers bretons, Mayak et Magic, les remplaçaient au bout de la flèche -les vaches laitières bretonnes étant incapables de faire ce genre d’exercice ! Et pourquoi deux ? Parce que deux animaux s’entraînent l’un l’autre, permettant ainsi une rotation régulière.

Ça marche ! Le Bœuf Qui Tourne sonorise la prairie !
Les postulats sont donc vérifiés : deux chevaux fournissent effectivement, régulièrement, 1,2 kilowatts/h dont il reste 1 kw/h, après les déperditions d’énergie du système, suffisant pour alimenter une petite installation. Des représentants de l’Organisation non gouvernementale Electriciens Sans Frontières étaient là pour en témoigner.

Au titre des avantages du système : l’indépendance énergétique, l’adaptation facile à des animaux différents (bœufs, ânes, chameaux), le coût de fabrication bas (aucun élément onéreux), une maintenance aisée (pièces réparables sur place, batteries de camion faciles à trouver).

Les tests bretons ont néanmoins fait apparaître quelques contraintes : le système implique nécessairement la présence d'un «bouvier» qui encourage de la voix les animaux à tourner sans s’arrêter. L’obligation, également, de trouver un agriculteur qui accepte de « louer » ses bêtes pour faire tourner le générateur pendant les travaux des champs. Des facteurs à intégrer dans le coût global du système.

Produire de l’énergie en temps réel
Ce que l’on pourrait considérer comme un handicap, Max Bâle le présente comme la principale qualité : pas de stockage, mais une production alignée sur le besoin. Selon lui, c’est, de surcroît, l’amorce d’une réflexion sur un changement du mode de consommation énergétique : motiver la consommation sans gaspiller. Finalement, c’est le principe de la dynamo sur le vélo : on éclaire quand on roule. Et oui, on peut faire de la radio pendant 2h le matin et 2h le soir, ou alimenter un appareil de radiographie une matinée par semaine.

Le système du Bœuf Qui Tourne ne se positionne pas comme une réponse ultime et révolutionnaire à la gravissime problématique énergétique mondiale, mais comme une petite idée, simple et accessible, capable de rendre service aux structures géographiquement isolées. Celles-là même qui mettront de nombreuses années avant de pouvoir bénéficier des progrès technologiques occidentaux.

Conçu comme un mécanisme de transition, il favorise l’utilisation de matériaux disponibles localement et tend à réduire la dépendance technologique, en limitant le besoin de compétences professionnelles indispensables pour assurer une maintenance régulière. De plus, il s’efforce de promouvoir le principe du « Je produis l’énergie dont j’ai vraiment besoin, quand j’en ai besoin ! » au détriment des méthodes d’accumulation énergétique, coûteuses et peu respectueuses de l'environnement.

Réduire la dépendance aux consommables importés, mais aussi maîtriser le calendrier de mise à disposition des technologies de pointes en limitant la référence systématique mais virtuelle au couple prise et interrupteur qui pousserait presque à penser que l’électricité sort des murs.

Aujourd’hui, la promotion pour l’accès aux nouvelles technologies de communication est une source indéniable et nécessaire de progrès, souvent énergivores. Elle est pourtant porteuse d'une véritable ineptie chronologique dans les stratégies de développement conçues à l’attention des populations isolées. La fracture numérique masque l’existence d’une fracture énergétique, démodée et peu vendeuse.
Mais sans électricité pas de téléphones portables, pas d'ordinateurs et pas d’Internet.
De là, à penser qu’on met la charrue avant les bœufs…
Et en plus, ça marche !
Le premier prototype d’alimentation énergétique par traction animale est aujourd’hui opérationnel !

Après plusieurs mois de recherches et d’expérimentations, une première phase de tests réalisée en mai 2007, nous a enfin permis de s’assurer de l’efficacité de la machine. Ça fonctionne ! Deux autres séries d’essais, récemment réalisées en France, confirment bien qu’une paire de bœufs ou de chevaux peut, avec ce système, générer une puissance électrique d’environ 1000 watts/heure, et ceci sans trop d’effort… En mars 2008, ce premier prototype a été expédié à Bangui (République Centrafricaine) pour être installé dans les locaux de la station communautaire, Radio Maïgaro, partenaire des projets de Rfi Planète Radio. Depuis cette date, une phase nouvelle d’études en conditions réelles a débuter. Luigi, le concepteur de la machine assurera pendant plusieurs mois le suivi technique. Lors de l'installation, il était accompagné par Max et Guenael qui se sont chargés de l’organisation logistique en collaboration avec des organisations locales d’éleveurs.

La petite histoire: Pourquoi ?
Au cours de nos nombreuses missions itinérantes sur le territoire africain, depuis 1996, toute l’équipe de Rfi Planète radio a pu saisir l’ampleur du problème majeur auquel les radios rurales et autres petites infrastructures locales étaient confrontées, à savoir : l’alimentation énergétique ! Analogiques ou numériques, artisanales ou sophistiquées, rurales ou urbaines, elles sont toutes tributaires des systèmes d’alimentations électriques dont elles disposent. Sans énergie, pas de radios ! pas de communication ! C’est un véritable frein pour toutes les actions menées autour du développement local. Les lignes budgétaires affectées à l’alimentation énergétique représentent de très loin, les principales dépenses de ces petites initiatives de proximité.

Pour qui ?
Pour toutes les petites infrastructures ( radios, cliniques, centres de communication, etc.) situées dans des zones en voie de développement ou l’accès à l’énergie demeure un problème crucial, se cumulant aux dures réalités locales :

  • Contexte géographique (isolement, voies de communication limitées)
  • Contexte économique (niveau de développement du pays ou de la zone)
  • Contexte climatique (saisons sèche, saison des pluies, désertification)
  • Contexte politique du pays (conflits armés limitant les échanges commerciaux)

Mais alors, c'est quoi l’idée ?
La traction animale est couramment utilisée dans les zones rurales, notamment pour l’exploitation agricole, alors pourquoi ne pas utiliser ces habitudes locales pour disposer d’une source d’alimentation électrique autonome et peu onéreuse ? Particulièrement adaptée pour les zones reculées et difficiles d’accès, où l’approvisionnement en carburant reste difficile et onéreux, cette technologie réponds à de vrais besoins en n’utilisant que des ressources locales disponibles sur sites. De plus, elle élimine la phase de stockage, en supprimant l’utilisation de batteries onéreuses, fragiles, polluantes et ayant une durée de vie limitée (souvent moins de 5 ans...).

Comment ça marche ?
Deux animaux tournent autour d’un axe qui, après un système de démultiplication, entraîne un alternateur électrique fournissant une alimentation électrique stable et suffisante. Volontairement simplissime dans sa conception et son utilisation, cette technologie ne nécessite pas de compétences techniques particulières. Elle est d’ailleurs composée à 90% d’éléments détournés et facilement disponibles sur sites. (alternateur et courroies de camions, etc…)

Petit tour d'horizon des technologies actuellement disponibles : Sans être exhaustif , ce petit comparatif n'a d'autre ambition que de lister quelques réalités locales auxquelles nous ne pensons pas toujours, lors de la conception de projets énergétiques en zones reculées.

Alimentation thermique

  • Prix du carburant en constante augmentation (et ça pourrait durer …)
  • Tarifs élevés pour l’acquisition et la maintenance des générateurs
  • Disponibilité du carburant parfois très difficile en période de crise
  • Stockage et vol du carburant

Alimentation solaire

  • Source d'énergie gratuite mais …
  • Budget d’acquisition encore très élevé
  • Période d’ensoleillement réduite (saison des pluies de plusieurs mois)
  • Maintenance complexe et onéreuse
  • Stockage onéreux, fragile, polluant (très nombreuses batteries)
  • Gestion environnementale des déchets (batteries)
  • Vols fréquents de panneaux solaires

Alimentation hydroélectrique

  • Source d'énergie gratuite mais …
  • Proximité obligatoire d’un important cours d’eau à proximité
  • Disponibilité d’un débit stable tout au long de l’année
  • Distance du site de production (danger de coupure et de vol des câbles..)

Alimentation éolienne

  • Source d'énergie gratuite mais …
  • Budget d’acquisition encore très élevé
  • Faible production énergétique
  • Déperdition énergétique importante au cours du transport
  • Zone nécessairement ventée (fortement !) tout au long de l’année (très peu de vent en dessous du 20ème parallèle)
  • Stockage onéreux, fragile, polluant (très nombreuses batteries)
  • Gestion environnementale des déchets (batteries)

Et l'alimentation énergétique par traction animale ?

  • Système tous temps, toutes saisons, toutes zones
  • Technologie autonome (idéale pour les zons très isolées ou en conflits)
  • Réalisation et montage possibles sur sites à partir de matériaux locaux
  • Maintenance très aisée et économique
  • Politique de gestion énergétique (pas de stockage !)
  • Proximité directe avec les sites d’exploitation
  • Bilan environnemental (zéro pollution)
  • Puissance électrique directement adaptée aux besoins
  • Tarif relativement accessible

L'équipe
Les humains concepteurs

  • Max BALE - Chef du projet Rfi Planète Radio
  • Guenael LAUNAY - Responsable d’action de formation Rfi Planète Radio
  • Luigi DAMONTE - Ingénieur électrotechnique italien

La participation animale Tous les animaux relativement importants, présents sur les sites: Bœufs, zébus, ânes, chameaux, etc.

Les structures accompagnatrices

  • Union Européenne Délégation de l’Union Européenne en République Centrafricaine
  • Radio France Internationale
  • Electriciens Sans Frontières
  • CARITAS Centrafrique

Contacts :
Max BALE Expert en développement radio
Chef du Projet RFI Planète Radio (RFI Formation Internationale – Talent +)
Tel : 00 (33) (0)1 44 30 89 94
Prt : 00 (33) (0)6 07 45 68 51
Email : max.bale@rfi.fr

Guénaël LAUNAY Responsable d’actions de formation radio
RFI Planète Radio (RFI Formation Internationale – Talent +)
Tel : 00 (33) (0)1 44 30 89 94
Prt : 00 (33) (0)6 62 63 20 03
Email : guenael.launay@rfi.fr

Aux dernières nouvelles, les concepteurs chercheraient des partenaires avec qui lancer la production de la machine en petite série… Si vous êtes intéressés ?

Jérôme Wentzel