Au sujet du Tractomètre de Lambale, j'ai déjà eu la possibilité de vous parler de la nécessité de sauver cet appareil unique au monde et j'espère vous avoir convaincu de l'intérêt technique, historique et patrimonial qu'il représente...

Dans la même philosophie, je vous fais suivre (avec son autorisation) une lettre ouverte de Tanneguy de SAINTE MARIE qui reprend ce sujet de façon plus large et qui mérite, à mon avis, d'être connue de tous...

Vous pouvez, si vous le jugez utile, diffuser plus largement...

Deny Fady


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Tanneguy de SAINTE MARIE
2 hameau de la Serverie
14570 Saint Rémy sur Orne

tel 06 76 81 51 80
mail tanneguysm@gmail.com

La Serverie, le 25 juin 2018

Dans l’indifférence générale

En 1947, un projet de loi prévoyant la suppression de l’Administration des Haras est soumis au vote du parlement. Il n’est pas adopté.

En octobre 1965, à l’occasion des festivités du tricentenaire de l’Administration des Haras, au Haras du Pin, le ministre de l’Agriculture, Edgar PISANI, annonce l’organisation prochaine de la « réforme » de cette institution, devenue sans utilité stratégique pour l’État.

En 1968, le corps spécifique des « Officiers des Haras » est dissout. Ses derniers membres sont intégrés au corps des Ingénieurs du Génie Rural, des Eaux et des Forêts. ( IGREF ).

Dans les années 1980, le corps des Agents, Gardes des Haras, est dissout. Ses derniers membres sont intégrés dans les corps des Agents Techniques du Ministère de l’Agriculture.

En 1999, sans autre forme de procès, l’Administration des Haras disparaît au profit d’un nouvel Établissement Public à caractère Administratif : « Les Haras Nationaux ».

Le 28 décembre 2001, nos parlementaires, dans leur quasi unanimité ( et à l’unanimité de ceux de Normandie ) votent la Loi de Finance 2002 qui comporte la fin du financement direct des Haras Nationaux par un prélèvement de 0,8 % sur les jeux sur les courses hippiques. Cette institution était la seule administration française qui ne coûtait pas un sou au contribuable. Le ministre du budget qui, sans sourciller, met en œuvre en 2002 cette réforme s’appelle Alain LAMBERT .

A partir de 2005, les achats d’étalons sont réduits à leur plus simple expression et le recrutement de personnels compétents se raréfie de façon drastique.

En 2010, est créé l’Établissement Public Administratif « Institut Français du Cheval et de l’Équitation » avec absorption de l’ENE (mariage de la carpe et du lapin ! ).

Durant ces périodes, se sont succédées les fermetures de toutes les stations de monte et des dépôts d’étalons de Strasbourg, Montier en Der, Annecy, Blois, Rodez, Tarbes, Saintes, Compiègne, Villeneuve sur Lot, de même que la jumenterie de Pompadour . Sont sur la liste pour des fermetures prochaines, Les Bréviaires, Gelos, Cluny, Saintes, ….

Toutes ces fermetures s’accompagnent, dans l’indifférence générale, de l’évaporation systématique des matériels meublant les selleries d’honneur, d’astiquage et de travail, les ateliers de sellerie, de bourrellerie, de menuiserie, de ferronnerie, de forge et maréchalerie, de peinture, les bibliothèques, les archives, les réserves, les lanternes, les fouets, les coussins, les bois de bouches, les tord nez, les longes, les bricoles de monte et leurs entraves, les grandes guides, les bridons d’abreuvoirs, les licols, les uniformes … .

Les nouveaux « responsables mais pas coupables » nommés à la direction des sites, sont dans la très grande majorité des cas, non issus de La Maison, afin de pouvoir mettre en application, le plus rapidement possible, les instructions parisiennes :

« Tout doit disparaître » dans le calme, la sérénité, sans heurts et sans malheurs, sans communications et sans commentaires . Aujourd’hui, les tous derniers « cailloux dans les chaussures » et les tous derniers « bois dans les rais » restent les voitures hippomobiles.

Depuis près de vingt ans, avec quelques collègues passionnés ( sans doute trop ! ) et Jean-Louis LIBOUREL, nous avons accompagné, alerté, interpellé, inventorié, publié, commenté, diffusé, expertisé,... ( tout en essayant de respecter « l’obligation de réserve » ! ).

J’ai participé durant près de dix ans aux travaux du Comité Scientifique « Cheval et patrimoine » au Ministère de la Culture. A chaque réunion parisienne et à chaque colloque nous avons alerté et avons proposé des pistes et des idées :

SILENCE ABSOLU …. « Tout doit disparaître » .

Parmi les très nombreuses propositions que nous avons formulées et écrites depuis 15 ans, en voici quelques unes :

1) Regrouper dans l’ancien dépôt de Compiègne, dont le rattachement au musée du château est souvent évoqué, une trentaine de voitures ( voire plus ), typiques des Haras Nationaux , tels que, charrettes, tilburys, petit breaks, Grand breaks, omnibus et bien sûr squelettes, de différents carrossiers, pour en faire une annexe du musée des transports.

2) Confier aux collectivités territoriales reprenant les sites ( Le Pin, Saint Lô , Lamballe, Hennebont, Rosières aux Salines, Tarbes, La Roche sur Yon, ) les voitures qui s’y trouvent en y rapprochant quelques autres.

3) Proposer aux domaines et châteaux nationaux, régionaux et départementaux ( Compiègne, Chambord, Versailles, Bouges, Chaumont sur Loire, Eu, Blois, Caen, etc... ) et privés ( Vaux Le Vicomte ) d’en accueillir dans leurs collections.

4) Conserver sur site, lorsqu’ils sont repris par des collectivités, les voitures offertes par des familles locales ou carrossées dans la région proche.

5) Susciter l’intérêt de quelques villes pour accueillir des voitures fabriquées chez elles telles que Sancoins ( Retif ), Montier en Der ( Michel pour deux squelettes ), Pau ( Lagarde & Darracq ), Toulouse, Blois, Vierzon, Périgueux, La Guerche, Bordeaux, Bayonne, Bayeux, Lyon, Le Bourg Saint Léonard, etc....

6) Informer toutes les collectivités territoriales ( Régions, Départements, Villes ) de cette menace. Elles sont toutes munies de Conservateurs du patrimoine mobilier ( DRAC en région, CAOA en département ).

Rien n’y a fait … TOUT DOIT DISPARAÎTRE.

Aujourd’hui, l’IFCE n’a ni le sérieux reconnu, ni les moyens humains, ni les compétences, ni, surtout, les finances pour lancer quelque projet que ce soit de conservations, de restaurations et, encore moins, de « déconstructions ». Donc, surtout, qu’il poursuive la politique qui lui est imposé depuis vingt ans et qu’il réussit fort bien : La politique de la terre brûlée…. La folle idée des déconstructions est ainsi fort bien adaptée à cette situation. Il fallait vraiment y penser.

« Dites moi pas que nous ne sommes pas entourés de génies qui s’ignorent ».

Tanneguy de SAINTE MARIE

PS : Dans les années 1960, un de mes oncles était officier de cavalerie chez les spahis de Senlis.
Le « Général » décida la dissolution de cette unité et … tout a disparu !
Mon grand-père, lui-même ancien officier de cavalerie, et ma famille étaient en pleurs !
A l’époque, j’avais dix ans et avais mis beaucoup de temps à comprendre cette tristesse familiale.
Aujourd’hui, la disparition des Haras Nationaux, de leurs patrimoines mobiliers et de leurs savoir-faire ne fait pleurer personne.


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La lettre ouverte au format pdf ici