Récapitulatif des billets 1 à 4 sur le harnais Chevilatte (2008)
Par Deny Fady le jeudi 19 octobre 2023, 21:28 - Recherche sur le Harnais chevilatte - Lien permanent
Préambule 2023 :
Ce billet et les 2 prochains ont été diffusés sous forme papier dans l'Hippobulle N°30 qui n'est aujourd'hui plus disponible
Comme je reçois toujours des demandes de renseignements sur le harnais "Chevilatte", je vous les redonne...
Et puis le 4ème billet concernera une fiche technique avec plan côté sur l'attelage Franc-Comtois "en cheville" que nous avons réalisé en mars 2023.
Préambule 2012 :
De janvier 2008 à septembre 2012, nous avons rendu compte, sur le blog d'Hippotese de nos recherches sur la création d'un harnais de travail mixte, utilisable aux traits ou en brancards, simple et efficace en toutes circonstances.
Ce billet récapitulatif et le suivant sont une compilation de ces 9 billets, (légèrement adaptés et allégés pour former une suite compréhensible).
Recherche sur un harnais à chevilles latérales (1ère partie, janvier 2008).
Je vais essayer de vous expliquer l'origine de notre recherche sur ce nouveau harnais que nous appelons harnais à chevilles latérales (ou harnais Chevilatte).
Depuis les débuts d'Hippotese (1987), nous cherchons à améliorer les harnais des chevaux de travail, afin qu'ils soient plus légers, plus rapides à poser, plus faciles à fabriquer, plus efficaces...
Nous nous sommes toujours aussi fixé comme règle d'étudier les matériels existants, traditionnels ou non, de toutes les régions ou pays, avant de créer de nouveaux modèles, persuadés que nous sommes qu'il ne faut pas toujours ré-inventer la roue, mais plutôt recréer en mélangeant les genres.
Nous sommes arrivés, entre autres, à deux modèles pour chevaux en simple, qui sont bien fixés aujourd'hui.
1) Le harnais que nous appelons "Franc-Comtois" qui est un harnais mélangeant le mode d'attelage "en cheville" des Monts du Jura (rapide à garnir, simple et sans sellette) et un reculement "Grand-Vallier" très solide et très bien adapté à la pente et au reculé en charge, avec ses 2 avaloires qui empêchent le cheval de s'asseoir.
Il était utilisé autrefois par le limonier des "Trains Grand-Vallier" (attelages de 4 chevaux en ligne) qui emportaient les mâts de bateau du Haut Jura jusqu'à Nantes ou Bordeaux.
Le harnais "Franc-Comtois" est très rapide à atteler en brancards (2 chevilles à mettre, 2 reculements), il n'a pas de culeron et pas de sellette (donc pas de risque de blessure de sangle).
2) Le harnais de débardage Hippotese et pour le travail "aux traits" en général, il est simple, très stable sur le dos du cheval et adapté à la traction vers le bas avec sa sous-ventrière renforcée. Certains modèles sont fabriqués en Biotane (matière synthétique imitant le cuir).
Ces deux harnais sont très performants dans leur fonction (l'attelage en brancards ou l'attelage en traits), leur seul défaut est d'être "deux" justement.
Par exemple, quand je vais au bois avec ma petite carriole et mon Cabri (véhicule à trois roues), j'utilise le harnais Comtois.
Arrivé sur place, je change pour le harnais de débardage Hippotese pour atteler mon traîneau et aller débarder.
Au retour, je reprends le harnais Comtois pour rentrer avec le Cabri.
Si j'avais un harnais susceptible de remplir les 2 fonctions, j'économiserais du temps et j'éviterais d'avoir un 2eme harnais (à acheter) et à apporter au bois.
Voilà la raison principale qui nous a poussées à rechercher un harnais mixte.
Mais il y a aussi d'autres raisons :
- Le harnais "en cheville" comtois ne peut pas être utilisé avec des véhicules à 2 roues non équilibrés (dont les brancards appuient sur le collier) à cause de l'absence de sellette,
- Il ne peut pas non plus être utilisé dans des terrains accidentés (typiquement avec des porteurs ou des arches de débardage) dans la mesure ou l'encolure est relativement bloquée par les brancards (ce qui influe sur l'équilibre du cheval).
Le harnais de type scandinave (Suède, Norvège, Finlande) qui possède une sellette et des chevilles au niveau des flancs nous semblait offrir une solution technique intéressante à ces problèmes, d'autant qu'il est utilisable avec des traits.
Nous verrons plus loin que ce n'est pas si simple...
Recherche sur le harnais "chevilatte" (2ème partie, janvier 2008).
Comme nous l'avons expliqué précédemment, avant de concevoir et fabriquer un nouveau harnais, fidèle à notre habitude, nous commençons par aller voir ce qui se fait ailleurs...
Et nous sommes allés du côté du Royaume-Unis chez Doug Joiner (qui est débardeur à cheval en Angleterre).
Doug, comme beaucoup de "Horse-Logger" anglais, utilise du matériel de débardage de type scandinave et donc des harnais à chevilles latérales sur anneau.
Comme les harnais suédois sont chers, il a fabriqué lui-même son harnais.
Voici quelques photos (merci à Sophie Ayache)
Pour celà, il a adapté la sellette agricole anglaise traditionnelle (à gouttière métallique et chaîne plate "porte-brancards") à un anneau de liaison semblable au modèle scandinave.
Il a aussi remplacé l'avant-trait rigide en cuir par une chaîne (qui est réglable) qu'il accroche au collier (ici de modèle "Amish canadien", je pense) et utilise le reculement d'attelage classique (relié aussi par une chaîne).
Plus récemment, Doug (merci à lui pour les photos) a investi dans un harnais suédois d'origine mais il a, là aussi, remplacé l'avant-trait par une chaîne.
Nota : le collier est ici aussi un modèle "Amish Canadien".
On peut remarquer sur ce harnais suédois (d'origine) la sellette articulée à faible surface d'appui (nous n'avons pas d'explication à cette forme si ce n'est la forme du dos des poneys fjord peut-être...).
On peut ici détailler la cheville métallique (et son logement rectangulaire dans le brancard) et sa clé en bois (et son lacet d'arrêt).
A notez aussi la courroie de reculement et son crochet qui est détachable facilement.
On peut voir aussi la protection en cuir sous l'anneau (qui est tenue par la pièce avant à 3 boulons, je pense) et la forme des pièces de liaison des courroies cuir à l'anneau (montées rivetées), que l'on ne trouve pas en France.
Après cette première étude de l'existant, nous allons passer aux premiers essais de fabrication d'un harnais à chevilles latérales (dit "chevilatte") Hippotese.
Recherche sur le harnais "chevilatte" (3ème partie, février 2008).
Et tout d'abord, quelques photos de harnais scandinaves (Norvégiens ici surtout) dans leur milieu "d'origine" qui permettent de mieux connaître les usages.
Ces photos ont été récupérées sur le web, en particulier sur le site de l'association Foreningen Arbeidshesten (http://foreningenarbeidshesten.com) que je remercie chaleureusement.
On peut constater que les filles ont l'air de mener souvent...
Que ce type de harnais est utilisé pour tous les types de traction...
Qu'il n'y a pas que des poneys Fjord dans ces pays même si les chevaux sont dans l'ensemble de petite taille...
Que pour les traîneaux ou les outils agricoles, ils utilisent des brancards rigides (à la place des traits)...
Et qu'il y a sans doute beaucoup à apprendre des Scandinaves en particulier sur le matériel moderne (surtout adapté aux charges petites et moyennes).
Recherche sur un harnais "chevilatte" (4ème partie, mars 2008).
Nous avons donc successivement étudié le harnais "Franc-Comtois" "en cheville" avec un reculement "Grand-Vallier", le harnais de débardage "Hippotese", et enfin le harnais de type "scandinave" et ses variantes "anglo-saxonnes" ainsi que ses utilisations dans son berceau d'origine.
Suite à cette étude de l'existant nous avons écrit un cahier des charges qui s'établit ainsi :
Créer un harnais à un cheval (mais adaptable en paire), utilisable aux traits ou en brancards, muni d'un système d'attelage rapide aux brancards, capable de supporter une surcharge occasionnelle ou permanente (sur le dos du cheval via les brancards) (ex : véhicule à 2 roues dans la pente), muni d'un reculement très efficace (et qui n'assoit pas le cheval), qui laisse une grande liberté d'encolure au cheval (utilisation d'outils à brancards en forêt), qui ne blesse pas (sous ventrière sur-dimensionnée, pas de culeron), qui soit adaptable à tout type de collier ou bricole et à de nombreuses tailles de chevaux, qui soit simple à réaliser (voir éventuellement auto-constructible) et pas trop cher (réutilisation de parties existantes : sellette, reculement...).
Pour aller plus loin, il nous fallait réaliser un prototype opérationnel made-in "Hippotese" et le comparer à un vrais harnais "scandinave" d'origine, acheté en Suède, les 2 étant à tester dans nos conditions locales d'utilisation.
Nous avons donc commandé en Suède un vrai harnais scandinave (sur ce catalogue du fabricant Tarnsjo Arbetsselar, http://tarnsjogarveri.se).
L'ensemble est arrivé en pièces détachées.
Le harnais suédois d'origine, monté, avec des avant-traits rigides en cuir (made in Jura par Vincent Sappez).
Malheureusement au montage de l'arceau métallique sur les coussins de sellette, un écrou borgne trop serré a cassé la tige filetée à l'intérieur d'un des coussins et il a fallu découdre ce coussin pour réparer puis le recoudre (c'est parfois utile un bourrelier... merci Vincent).
Nous n'avons d'ailleurs toujours pas compris l'intérêt de l'arceau de cette sellette...
Et pour tout dire, l'ensemble nous a déçu...
Nous avons été vraiment décontenancés par le montage des pièces de cuir sur les platines métalliques avec des vis et des écrous. Le reculement ne nous parait pas assez solide pour une utilisation dans la pente en attelage agricole ou forestier.
Bref, première impression : pas terrible !
La seule pièce qui nous a émerveillés, c'est la cheville amovible en inox massif de toute beauté (voir plus loin).
Dans un souci de compatibilité (avec les outils d'origine scandinave, comme notre porteur norvégien) nous avons décidé de garder ce modèle comme référence pour nos harnais.
Nos premières chevilles ouvrantes en acier, pâle copie du modèle suédois et la mortaise (trou 45 x 16) à souder sur les brancards, réalisée uniquement à partir de plat 40 x 8.
Didier Mahillon a réalisé un prototype de harnais "chevilatte" modèle "Hippotese" en intégrant un reculement "Grand Vallier", une sellette de l'armée suisse (sur laquelle est cousue une sangle de selle de monte très large, muni d'une protection en fourrure synthétique) à la place de la sellette à arceau, mais nous avons gardé le système à anneau latéral et l'avant-trait massif en cuir.
Le premier prototype de harnais chevilatte made in Hippotese (par Didier Mahillon)
Les essais aux traits furent concluants, il restait à fabriquer des brancards utilisables avec ces chevilles.
Les essais aux traits furent concluants...
Après mûres réflexions, nous avons décidé de modifier des brancards d'un modèle standard, type voiture de marathon pour attelage en sellette, en leur ajoutant simplement la mortaise rectangulaire nécessaire, tout en gardant la possibilité de les atteler avec des porte-brancards traditionnels (sainte compatibilité).
Les brancards en sellette modifiés par l'ajout de la mortaise rapportée
Il sera toujours temps de réaliser des brancards spécifiques plus tard, quand nous aurons plus d'expérience...
Et donc les essais en brancards ont commencé.
En partant de ma maison, entre l'église et le cimetière, j'ai une petite descente qui avoisine les 20 %, qui me permet de tester la tenue des harnais en descente.
Et là ce fut une grande surprise, ça n'allait pas du tout !
Çà n'allait pas du tout, dans les fortes descentes, les anneaux latéraux basculent en se retournant vers avant (vrillent)...
Il faut comprendre que dans ce type de harnais scandinave, toutes les pièces sont assemblées sur ces 2 gros anneaux ronds latéraux.
La sellette porte ces anneaux, la sous-ventrière les empêche de remonter, les avant-traits les relient au collier, le reculement les empêche d'avancer.
Les brancards eux, par l'intermédiaire des chevilles, qui se prennent sur la partie arrière de l'anneau, les tirent en arrière en traction et en avant dans les descentes ou les reculés.
Et bien dans les fortes descentes, les anneaux avancent (d'un poing si le reculement est bien réglé) et que font-ils ?
Et bien, ils basculent et donc ils vrillent la sous-ventrière et les porte-brancards, qui font un tour sur eux-même.
L'avant-trait rigide lui, forme un arc de cercle vers l'extérieur et peut même se décrocher du collier.
Notre harnais "Hippotese" avait donc un gros défaut...
Mais à notre grande surprise, le même test avec le harnais suédois d'origine donna le même résultat...
Donc nous ne savions pas régler ces harnais...
Nous étions découragés...
En cherchant un peu, sur le catalogue même du bourrelier suédois on remarque une photo avec le même défaut et dans toutes les photos de reculés (en concours par exemple) on remarque le même vrillement des anneaux latéraux...
A croire, que les chevaux scandinaves ne reculent jamais ou alors que leurs reculements sont réglés tellement serrés qu'ils ne peuvent avancer...
Le défaut ne venait donc pas d'un mauvais réglage, mais bien d'une mauvaise conception du harnais scandinave !
Les harnais suédois d'origine, présentent tous le même défaut de "vrillement" de l'anneau dans les descentes.
Nous devions trouver une solution afin que l'anneau de fixation ne se vrille pas en descente.
Après une semaine de réflexion et de prototypes nous avons trouvé la solution. Il suffit que la cheville soit fixée à l'anneau en avant des porte-brancards et de la sous-ventrière.
Voici une photo du 1er anneau "anti-vrillement".
Anneau de liaison anti-vrillement "Hippotese", formé d'un gros anneau de chaîne soudé à un demi-anneau.
Les essais reprirent et là ce fut impeccable, l'anneau ne se vrillait plus, le harnais restait en place...
Nous avons décidé dans le même temps de supprimer l'avant-trait rigide en cuir et de le remplacer par un avant-trait en chaîne (donc réglable et moins cher).
Les essais reprirent et là ce fut impeccable...
Conclusion provisoire :
Depuis presque un an, ce harnais a été testé dans pas mal de situations et avec beaucoup de chevaux de tailles très différentes (petit comtois, grand comtois, percheron, ardennais, breton...).
Le principe du harnais à chevilles latérales, mixte, qui libère l'encolure est comme nous le pensions un excellent système, la modification de l'anneau corrige son seul gros défaut.
Il reste évidemment des points de détails à améliorer (entre autres être plus rapide à poser), mais globalement il rempli son rôle et répond parfaitement au cahier des charges.
Ce harnais a été testé dans pas mal de situations et avec beaucoup de chevaux de taille très différentes
Les avant-traits en chaîne ont été gaînés (ici avec une chambre à air de vélo) pour ne pas blesser.
Commentaires
Classe, super travail d'amélioration du principe de cheville. Belle observation, bonne solution !
Aurel