Calèche hippomobile à assistance électrique "Alti-Trottibus" un concept d'écomobilité à énergie positive... 1ère partie
Par Deny Fady le mardi 8 août 2017, 16:15 - Datafficheur - Lien permanent
Du 30 juillet au 6 août 2017, se déroulait un essai en situation réelle, d'une navette hippomobile 10 places à assistance électrique, aux portes du Parc National de la Vanoise, au dessus de Termignon, dans la vallée de La Maurienne au cœur de la Savoie...
Avant de vous faire un billet plus technique, je vous ai mis en ligne une petite vidéo pour vous faire rêver...
LE CONTEXTE
L’Alti-Trottibus, c’est un système innovant de traction animale à assistance électrique, expérimenté sur le site de Bellecombe, au cœur du Parc National de la Vanoise, à 2300 m au dessus de Termignon-La-Vanoise dans la vallée de la Maurienne en Savoie. L’expérience de l’été 2017 s'est déployée sur 8 jours (du 30 juillet au 6 août) et sera élargie en 2018 (à priori sur l’ensemble de la saison). En 2017, trois rotations journalières de l’Alti-Trottibus ont transporté les visiteurs du Parc National et les randonneurs du parking vers les refuges...
L’INNOVATION TECHNIQUE
Elle consiste à placer un moteur d’assistance électrique sur le moyeu arrière de la calèche, alimenté par des batteries et géré par un système automatisé spécifique (un peu comme sur le « vélo à assistance électrique »).
Le cheval est donc soulagé à la montée mais aussi à la descente car le moteur est aussi alternateur et sert de ralentisseur dans la pente tout en rechargeant les batteries.
Le système préserve les chevaux en complétant leur efforts au delà d'une consigne réglable, fixée par le meneur.
Les variations dues à la pente (positive ou négative) sont lissées et on est sûr que les animaux restent dans une plage d'efforts respectueuses de leurs capacités physiologiques, celles-ci sont contrôlées lors des essais par une mesure continue du rythme cardiaque à l'aide de cardio-fréquencemètres munis de capteurs sur la ceinture abdominale. La vitesse de pouls cardiaque de chaque cheval est mesurée pendant l'effort pour doser la consigne d'assistance et au moment des phases de récupération pour ajuster le temps de pause.
Pour les essais, c'est un modèle de calèche équipée par la société Méterus (suisse) de Marco Zandonna qui a été choisi, cette voiture fonctionne régulièrement depuis plusieurs années à Mâcon.
En plus des systèmes de contrôle habituels propres à la gestion de l'assistance, la calèche et les chevaux ont été équipés pour ces essais, de capteurs de force supplémentaires (un sur chacun des 4 trait de la paire) reliés à un datalogger (enregistreur numérique), d'un GPS embarqué et de cardio-fréquencemètres (un par cheval).
L'ensemble de ces mesures complémentaires est réalisé par Laurent Maly et Marlène Addes de l'IFCE. Ces données, indépendantes de celles du système embarqué permettront de compléter les observations des meneurs (Philippe Escale et Pierre Gallet) sur l'ensemble de la semaine d'essais en conditions réelles d'exploitation.
Marco Zandonna (de Meterus) et des observateurs indépendants (Deny Fady et Thomas Duguy d'Hippotese) sont aussi venus apporter leur compétences dans l'analyse du fonctionnement de la calèche et des chevaux.
Commentaires
Salut,
Je suppose que le prochain billet nous informera sur le bilan énergétique ? (j'ai noté "à énergie positive" dans le titre, à moins que ce soit au sujet de l'énergie humaine, plus que de la version physique ?)
Bravo !... et maintenant que la "Calèche hippomobile à assistance électrique" (CHAE) est sur les rails, nul doute que le concept va progresser à l'image du Vélo à Assistance Electrique (VAE).
D'ailleurs, il y a sans doute beaucoup d'idées et d'innovations transposables du VAE à la CHAE... et inversement d'ailleurs : ajuster l'assistance électrique de la calèche au rythme cardiaque des équidés est très intéressant et me semble aussi judicieux pour les cyclistes sur VAE !
J'ai hâte de voir la suite.
Très intéressante l'idée de corréler la consigne d'assistance à la fréquence cardiaque. Si d'aventure quelqu'un connaît un équipement pouvant mesurer ce paramètre sur un équidé tout un délivrant un signal analogique 0...10 V ou 4...20 mA, je suis preneur!
Merci et salut!
Petites questions techniques ! ... Si bien sûr ça ne révèle pas un "secret" de fabrication industriel ;-)
Il est expliqué que l'assistance est corréler au rythme cardiaque du ou des chevaux attelés... Mais ce système de gestion de l'assistance est-il actif en permanence ou ne sert-il que pour caler l'assistance ?
On voit aussi sur la vidéo qu'il y a 2 pédales électroniques supplémentaires (à 4'05 de la vidéo). A quoi servent-elles ?
(accélérateur assistance + freinage récupérateur d'nrj ?)
L'assistance serait donc gérée en complément par le cocher. Mais le système s'adapte-t-il automatiquement dès que l'effort demandé aux chevaux est plus intense ?
Si on regarde ce qui se fait sur les Vélos (VAE) pour enclencher l'assistance électrique, il y a plusieurs systèmes existants :
- simple détection de la rotation du pédalier (ou des roues), couplée avec une consigne de niveau d'assistance (ex. faible, moyen, fort)
- système de mesure de couple (mesure de l'effort d'appui du cycliste au niveau du pédalier)
- simple système manuel déclenché par le cycliste : généralement une poignée ou une gâchette accélératrice au guidon
- et on peut aussi imaginer, comme vous l'évoquer brièvement, un système ingénieux qui calcule l'effort théorique nécessaire en fonction de la pente (montante ou descendante), ...et de la masse embarquée dans la calèche.
C'est un vaste débat technique, mais pour une calèche à assistance électrique, quel est le système qui vous parait le mieux adapté à l'effort de traction des chevaux ?
(sachant par ailleurs que la traction du ou des chevaux se fait par "à-coups successifs à cause du mouvement des épaules")
Le cocher fixe une consigne d'effort qu'il peut modifier manuellement en permanence via une console de dialogue qui lui fait face. Cette-dernière affiche l'effort des équidés mesuré par un capteur de force.
Les mesures complémentaires telle que fréquence cardiaque ne sont actuellement réalisées que lors des expérimentations.
A mon sens, le cocher doit rester maître à bord, à moins que la demande ne s'achemine vers des calèches autonomes ;-)
Grâce à son expertise il adapte la consigne en fonction de paramètres que ses sens lui fournissent: respiration, sueur, attitude des chevaux, pente, parcours restant, etc...
Fournir la preuve que le cheval travaille "dans son confort" nous poussera peut-être à afficher certains paramètres physiologiques dans la partie passagers de la calèche et, si besoin, ils pourront réveiller un cocher distrait. Les intégrer dans l'algorithme ne serait pas compliqué, mais est-ce souhaitable ?
L'adaptation automatique de la consigne en fonction de la pente est à l'étude. Mais là les opinions divergent: faut-il augmenter l'effort demandé aux chevaux comme le terrain l'exige au naturel, ou inversement les soulager davantage ? Dans cette optique il faudrait aussi quantifier la charge, le revêtement du sol, filmer les cailloux, etc...
Vous l'avez mentionné, le principal défi technique consiste à rendre un ressenti le plus harmonieux possible pour le cheval en supprimant les à-coups, un peu comme avec des ressorts de traction.
Nous recherchons autant que faire se peut la simplification technique. En zone de montagne il y a du froid, du chaud, des vibrations, des remisages aléatoires et peu d'assistance technique.
La pédale d'avancement facilite le remisage d'un véhicule lourd, elle était à l'origine utilisée pour reprendre le contrôle du système en phase de développement. Elle pourrait même disparaître car à proscrire en exploitation.
La pédale du frein électrique a déjà disparu au profit d'un freinage combiné électrique/mécanique.
Merci pour toutes ces précisions.
Elles permettent de penser qu'il y a encore pas mal d'axes de recherches possibles et d'innovations à découvrir pour améliorer le concept de la Calèche Hippomobile à Assistance Electrique.
(sans parler du choix et du dressage des équidés destinés à être attelés à une "voiture hippomobile hybride"... mais c'est un autre débat !).
Maintenant que l'idée est lancée, j'ai hâte de découvrir ce qui va se faire pour l'hippomobile avec assistance.
Une dernière petite question : vous évoquez la suppression des à-coups de traction comme défi technique en prenant l'exemple des ressorts qui améliorent le confort du cheval au travail, en d'autres termes le système d'assistance doit en quelque sorte "reproduire" les caractéristiques d'un ressort...
Justement, d'après vous, l'ajout de ressort(s) dans la chaine d'asservissement de l'assistance électrique ne permettrait-il pas de simplifier le système en réglant mécaniquement une contrainte aujourd'hui traitée électroniquement ?
(et la question subsidiaire qui en découle : où placer ce ou ces ressorts ?)
Abus de langage de ma part : l'assistance réduit l'amplitude des à-coups "naturels" mais ne les supprime pas. Elle réduit surtout la valeur moyenne de l'effort de traction, valeur moyenne qui devrait théoriquement se superposer à la consigne. Le défi évoqué consiste à ne pas introduire des à-coups "artificiels" en découplant l'action du cheval de celle du moteur. Plus compliqué que cela en à l'air en présence d'une succession de rapides variations de pente et/ou de revêtement de sol.
Avec l'équipe www.hippometrix.org nous avions réalisé une petite expérimentation avec des ressorts de traction mais sans assistance.
Je suis partant pour reconduire des essais cet automne, cette fois avec assistance. Nous pourrions sélectionner les ressorts les mieux adaptés au regard de la consigne.