Voici un article de Jean-Louis Cannelle et Hervé Jourdain sur l'inadaptation du matériel de fauche en Traction Animale.

Et si l’on fauchait…avec nos chevaux !

La volonté et l’engagement des utilisateurs, mais aussi des inventeurs et des constructeurs, autour du concept de développement de l’Énergie Animale, ne doit absolument pas être terni par des chimères économiques.

Nous allons vous narrer l’histoire de l’investissement dans une faucheuse à traction animale, de marque I&J, Type M2 MOVER DRIVE BY WILDCAT RIDGE GEAR, série WG-1367-15, ratio 11.89-1 Barre de coupe de 2,40m à double lame.


La faucheuse I&J en expo à la Pferdestark 2017

Sur notre ferme, nous récoltons environ 150 tonnes de foin, sur une trentaine d’hectares. Nous nous situons dans le Doubs, sur les deuxièmes plateaux, à 730 m d’altitude. Les prairies de fauche sont essentiellement en prairie naturelle. La surface labourée annuellement est de 2 ha.

Depuis quelques années, après l'avoir créé avec Charlie PINNEY, nous utilisons le PINTOW, (cet avant-train à 3 roues avec prise de force entraînée par les roues), pour andainer. il entraine un gyro andaineur KUHN, 9 bras de 3,8 m de largeur de travail. Ceci nécessite la force de traction de 3 chevaux, puisque la traction moyenne est de 250 kgf à plat.
L’andainage étant résolu, il restait 2 travaux que nous tenions impérativement à réaliser avec les chevaux, le fanage et la fauche.

La faneuse classique à traction animale ne donne satisfaction que pour terminer le foin, mais en aucun cas elle ne peut défaire des andains. Il fallait trouver le moyen d’actionner une pirouette.
A ce moment-là, nous avons choisi d’investir dans un avant-train HISKO doté d’un moteur auxiliaire. Comme la plupart des outils en TA, cet AT est un prototype qu’il a fallu modifier et qui reste imparfait :

- Pas de roue libre sur le moteur
- pas d’embrayage, mais un variateur
- pas de compte tours
- pas d’isolation phonique (obligation de travailler avec un casque anti-bruit)
- pas de cylindre bloc de liaison entre le châssis et le moteur, donc de nombreuses pièces du moteur cassent par vibrations (support réservoir carburant, support pompe à huile…)
- un relevage fonctionnant par déplacement des roues arrière, qui viennent buter dans les outils (faucheuse, …)

Malgré tout, nous l’utilisons pour tout ce qui est fanage, avec une pirouette KHUN, 4 toupies, 6 bras. Le rendement du moteur est très intéressant, puisque nous avons une consommation d’environ 0.8 litre à l’heure.


L'avant-train HISKO avec une pirouette KUHN 4 toupies, 6 bras

Mais la fauche n’était toujours pas solutionnée.
Après avoir vu des comptes rendus dans STARKE PFERDE, des publicités dans SABOTS, et après avoir consulté un certain nombre de personnes, nous avons fait le choix d’investir dans une faucheuse I&J dotée d’une barre de coupe MSS de 2, 40 m, préconisée pour une traction à 2 chevaux de traits d’environ 700 kg.

Avant essai nous avons constaté 2 points importants en régression par rapport aux anciennes faucheuses à doigts : pas de débrayage automatique du mécanisme en relevant le lamier, pas d’orientation possible de ce dernier, permettant de faire piquer plus ou moins si le foin est couché.

Nous avons démarré les travaux de fenaison en 2016 avec cette faucheuse, une série d’essais mesurés a été réalisée, avec de gros problèmes d’adhérence de la faucheuse et par résultante des problèmes de « bourrage du lamier » amenant des arrêts répétés et l’obligation avant de repartir de reculer pour débloquer les lames. Dans les parcelles en pente il nous arrivait d’être bloqué tous les 15 mètres.

Nous avions en 2016 une attaque de campagnol terrestre amenant beaucoup de terre dans le foin. Naturellement nous nous sommes dit que le dysfonctionnement était à attribuer à ce phénomène ponctuel. La solidarité de nos voisins motorisés nous a permis de pallier à notre incapacité à faire le travail avec nos chevaux.

La parcelle où nous avions réalisé les essais étaient en prairie artificielle, ce qui change considérablement la facilité de fauche. Ceci, c’est confirmé en 2017.

Cette année-là, donc, la fleur au fusil, nous avons attaqué dans de supers conditions la fenaison : pas de campagnol, du terrain sec, du foin non versé.

Première parcelle, prairie artificielle de première année, à plat, c’est génial, une heure 10 pour 1,2 ha. Victoire ça marche !

Le lendemain, départ pour faucher à 5h30, les 2 mêmes chevaux, prairie naturelle, fourrage extrêmement dense (pas loin de 6t/ha), la faucheuse se met à patiner, dès qu’on est dans le même sens que le foin légèrement couché, et sur une heure de travail, environ 20 patinages, et donc 20 bourrages et 20 reculés.

Retour à la maison avant d’avoir fini la parcelle, appel au voisin avec tracteur pour réaliser la fauche : échec !

Relecture du dossier technique du constructeur allemand (non distribué par le vendeur I&J à l’achat de la faucheuse), re-réglage des doigts d’appui, et ré-essai de la faucheuse, nouvel échec ! Pourtant essais réalisés avec des lames neuves.

Après réflexion, nous estimons le ratio, longueur de la barre de coupe/poids de la faucheuse incohérent. Notre décision est prise, nous raccourcissons le lamier et les lames de 35 cm (maintenant à 2,05 m).

Le lendemain matin, à nouveau essais, et enfin ça y est, notre faucheuse est fonctionnelle.


La faucheuse I&J au travail à Villers sous Chalamont

Nous décidons donc, à nouveau, la réalisation de mesures, qui vous le verrez ci-après (dans le prochain billet NDLR), correspondent un peu mieux à la puissance théorique des chevaux sur une durée de travail d’environ 2 heures.

Pour la dernière parcelle fauchée cette année, pour 4 ha de surface en prairie naturelle un peu tourmentée, le temps de fauche en 2 fois, une première partie le soir, après une pluie de l’après-midi, et la fin le lendemain matin à partir de 5 heure, nous a demandé au total 6h de travail pour réaliser la fauche (récupération des chevaux comprise).

Il nous paraissait important de prendre le temps d’écrire ce témoignage pour diverses raisons :

- En premier lieu, pour éviter que d’autres commettent la même erreur !
- En deuxième lieu, nous voulons ce témoignage comme un appel aux constructeurs à ne pas tromper les utilisateurs qui sont les premiers à pouvoir faire la promotion des machines modernes.

Le manque d’essais en conditions réelles peut menacer l’équilibre économique de ces pionniers que sont les nouveaux installés faisant le choix juste mais difficile de l’utilisation de l’Énergie Animale. Souvent de petites structures pour lesquelles un investissement comme cette faucheuse (8000 euros) est considérable.

Hervé Jourdain et Jean-Louis Cannelle.

A suivre dans le prochain billet : Compte-rendu d'essais dynamométriques de traction avec la FAUCHEUSE I&J