Hippotese, Le cheval de Travail

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Mot-clé - sarcleuse extensible

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samedi 7 janvier 2017

Autoconstruction d'une bineuse monorang, légère et autoconstructible : La NéoPlanète (2ème partie)

Quelques photos et une petite vidéo de notre autoconstruction de 2 "Néoplanètes" en partenariat avec l'Atelier Paysan (voir billet précédent ici) du 19 au 22 décembre 2016.

Et tout d'abord la vidéo d'un court moment d'essai au Potadjé de Jérémy Fady, le jeudi 22 décembre juste avant la nuit...

Certes, ça guidonne un peu, sans doute à cause de la hauteur du point de traction que nous n'avons pas pris le temps de régler (il y a 4 positions possibles sur notre proto), mais tous les réglages sont fonctionnels et les nouveaux mancherons semblent adaptés et efficaces...

A propos de mancherons "bois", je tiens ici à remercier Didier et à Gilles qui ont fabriqué des mancherons pour l'occasion, évidemment sans avoir vu le proto puisqu'il n'existait pas encore.
Nous n'avons pas encore testé ceux de Gilles qui seront montés sur le proto Néoplanète N°2 (à finir)...

Et voici quelques photos des "manouvriers" bénévoles qui ont accepté de passer 3 jours de folie dans la poussière et le bruit (en particulier celui de la ventilation) pour réaliser ces 2 protos de NéoPlanètes et aussi finir les NéoBuchers du stage d'octobre (Les barres d'outils, les brides et les parallélogrammes)...

dimanche 15 février 2015

Chantiers environnementaux : Sauvegarde des tulipes de Maurienne et des plantes messicoles...

La traction animale par la légèreté de son impact et sa polyvalence a de plus en plus de succès auprès des donneurs d'ordre dans la réalisation des "chantiers environnementaux".

Mais ces chantiers, particuliers dans leur déroulement, demandent aux prestataires TA des compétences bien différentes de celles qu'ils doivent avoir en menage pur ou dans les prestations classiques.

Il est rare que l'on soit payé ici au "cube" de bois sorti ou à "l'hectare" de terrain travaillé.

Les chantiers de sauvegarde ou de protection sont souvent originaux et expérimentaux dans leur traitement et les solutions techniques employées sont à inventer ou à adapter à chaque fois.

Et parfois, une solution qui semblait adéquate une année, ne le sera pas forcément l'année suivante, il faudra alors rediscuter avec les scientifiques (qui font les bilans d'impact), du mode opératoire, en fonction des résultats obtenus et avoir une vision sur le long terme.

Nous allons vous faire ici un petit compte-rendu de l'intervention d'Hippotese de 2009 à 2014 sur le projet de sauvegarde des tulipes de Maurienne et plantes messicoles sur la zone de Serpolière à Saint Julien Montdenis (Savoie), afin de replacer cette opération dans son contexte historique et sa complexité.

Ce compte-rendu fait de large emprunt au document de synthèse "Programme de création d’une parcelle de messicoles sur la commune de Saint-Julien-Montdenis (73), Octobre 2013" de Véronique BONNET du CBNA, que je remercie ici.



Le panneau d'information à l'entrée de la parcelle à tulipes.

C'est dans le cadre du chantier de l’autoroute de Maurienne et d’un programme de conservation des tulipes de Savoie, qu'un partenariat s’est instauré entre la commune de Saint Julien Montdenis (Savoie), l’association « Serpolière, visage de St-Julien-Mont-Denis », la SFTRF (Société Française du Tunnel Routier du Fréjus), le CPNS (Conservatoire du Patrimoine Naturel de la Savoie) et le CBNA (Conservatoire Botanique National Alpin).

Ce partenariat a abouti, en 1997 et 1999, à la réimplantation de populations de tulipes sauvages de Savoie.
Le CBNA a réalisé la récolte de bulbes, la mise en culture et l’introduction des bulbes de deux espèces : la Tulipe de Maurienne et la Tulipe de Didier, sur des parcelles cédées par la SFTRF au CPNS dans le cadre des mesures compensatoires aux travaux de l’autoroute.


La tulipe de Maurienne (Tulipa Mauriana), photo "Jardin botanique de Saverne".

Plusieurs centaines de bulbes (700) ont ainsi été implantés. Ces deux espèces de tulipes sont bien adaptées aux terrains calcaires, secs et ont longtemps été liées aux cultures traditionnelles de céréales d’hiver. Malheureusement certaines des tulipes réimplantée étaient infectées par une virose qui a été rapportée sur le site.


La tulipe de Didier (Tulipa Didieri), photo "Jardin botanique de Saverne".

Suite à cet épisode de virose, la parcelle a été délaissée pendant plusieurs années (7 ans), avant que le CBNA ne refasse un bilan de l’ensemble des populations de néotulipes de Savoie dans le cadre d’un plan de conservation.

En 2007, 70 tulipes sont recensées sur le site de Serpolière. Et c'est dans l’optique de redynamiser les deux populations de tulipes que Le CPNS et le CNBA lancent une campagne de travaux du sol réalisés par traction animale à partir de 2009.

Les tulipes sont répertoriées comme des plantes messicoles, elles font partie des nombreuses plantes adventices des cultures ayant co-évolué aux côtés des plantes cultivées par l’homme.
Les plantes messicoles ont su se maintenir grâce à des conditions favorables - bien qu’étroitement liées aux pratiques humaines - dans ce qui s’appelait un agro-écosystème. La modernisation des activités agricoles (labours profonds, amélioration du tri des semences, emploi d’herbicides…) a profondément modifié l’habitat de ces espèces au cours du XXe siècle.

En 2009, l'association Hippotese intervient pour une fauche à la motofaucheuse sur les 2 parcelles avec exportation des plantes coupées (herbe et ronces) et pour un labour/sarclage au cheval sur la plus grande des parcelles.


2009, première intervention d'Hippotese avec fauche à la motofaucheuse...


... et exportation des plantes coupées (herbes et ronces) en traction animale.

Comme il s'agit de "recréer" un milieu favorable à la multiplication des tulipes, il faut intervenir durant la phase de repos végétatif des plantes (de juillet à octobre) pour favoriser la séparation des bulbilles des bulbes et permettre leur dissémination. Il faut aussi travailler à faible profondeur (moins de 30 cm) avec des outils à dents ou à soc mais non rotatifs.


L'équipe d'intervention à pied d’œuvre...

Pour tester différentes conditions, il est alors décidé de réaliser 3 types de labour en traction animale, sur 3 bandes différentes d’environ 3 m de large au sein de la parcelle à tulipes : labour seul, sarclage seul, labour + sarclage.


1ère bande labourée à la charrue dite "tourne-oreille" traditionnelle de Savoie...

La première bande est labourée à la charrue dite "tourne-oreille" traditionnelle de Savoie (10 cm de profondeur), la seconde bande est scarifiée avec une sarcleuse extensible à 5 dents "côte de melon" (5 cm de profondeur), la troisième bande est d'abord labourée puis ensuite sarclée (15 cm).


...la seconde bande est scarifiée avec une sarcleuse extensible à 5 dents "côte de melon"


Vue d'ensemble du résultat et du marquage des 3 bandes.

En 2010, au printemps suivant le premier labour, 105 tulipes ont été dénombrées, 21 dans la partie labourée et 84 localisées autour du labour.
L’impact non différencié de ces trois types de labour sur les tulipes au printemps 2010 n’a pas permis de distinguer une méthode plus favorable qu’une autre. Les tulipes sont toujours présentes sur le site mais localisées essentiellement sur le pourtour du labour.

Il n'y a pas eu d'intervention sur les parcelles en 2010.
Au printemps 2011, 39 tulipes ont été observées dans le labour et 22 en périphérie. Une fleur avortée a été observée.

A l'automne 2011, Hippotese intervient de nouveau avec une fauche à la motofaucheuse sur les 2 parcelles avec exportation des plantes coupées (herbe et ronces) et pour un labour/semis sur la plus grande des parcelles.


2011, seconde intervention d'Hippotese qui débute avec la fauche et l'exportation des herbes coupées...

Il a été décidé de labourer au cheval d'un seul tenant les 2/3 de la grande parcelle avec une charrue brabannette réversible (15 cm à 20 cm de profondeur, parfois moins en cas de roche affleurante).


Labour de la grande parcelle à la charrue brabannette...

Une herse triangulaire a été passée sur l'ensemble de la parcelle labourée pour briser les mottes et planéifier le labour.
Une zone a été conservée sans labour.


... hersage à la herse triangulaire...

Des graines de Petit Épeautre, pour recréer un milieu réel de culture de céréales,sont semées à la volée le même jour dans la zone labourée, mélangées aux graines de 20 espèces de plantes messicoles issues de la banque de graines du CBNA. Le sol a ensuite été tassé manuellement.


... et semis à la volée du Petit Épeautre.

NB : Devant l’ampleur de la disparition des plantes messicoles au cours des dernières décennies, la France a du mettre en place un plan national d’actions en faveur de l’ensemble de ces espèces. Des essais sont en cours dans plusieurs départements pour rétablir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et compatibles avec la conservation de ces plantes. La parcelle de Serpolière constitue dés lors une parcelle expérimentale pour le département de la Savoie en matière de conservation des messicoles.


Vue de la parcelle au printemps 2012 avec une belle implantation de Petit Épeautre et de plantes messicoles...

Au mois d’octobre 2012, Hippotese est intervenu en fauche, labour et semis de Petit Épeautre, sur les même zones mais sans ajout de graines de messicoles.


2012, fauche et exportation...


...labour à la brabannette...


...hersage, semis du Petit Épeautre...


...nouveau hersage de recouvrement.

Les tulipes n’ont pas fait l’objet de comptages spécifiques en 2012. Au printemps 2013, on dénombrait 38 tulipes sur la parcelle.
Plusieurs passages sur la parcelle par le CPNS ont permis de montrer :
- une première phase de développement réussi des tulipes dans la parcelle, essentiellement sur les bords du labour,
- une phase de régression des populations suite à la consommation des individus par les bouquetins.
Aucune floraison n’a ainsi pu être observée en 2012 et 2013.

Le suivi des semis des messicoles a aussi été réalisé sur la parcelle en juin 2012 par le CBNA et juin 2013 par le CBNA et le CEN Savoie.
16 des 20 espèces semées à l’automne ont été retrouvées sur la parcelle labourée.
Quelques taxons (en biologie, synonyme de groupe), les moins abondants sur la parcelle, ont une fréquence très stable entre 2012 et 2013, certains taxons peu représentés en 2012 sont devenus très abondants en 2013, la plupart des taxons ont cependant nettement régressé dans la parcelle en termes de fréquence d’occurrence entre 2012 et 2013.
Les conditions météorologiques de l’année expliquent certainement ces différences de comportement entre les 2 groupes de taxons. Certains peuvent ne pas s’exprimer une année mais rester présents dans la banque de graines du sol alors que d’autres, favorisés par les conditions météo, germent en grande quantité en épuisant la banque de graines. Il est capital que les conditions estivales permettent un développement correct de ces individus et la maturation des graines ; elles permettent ainsi la reconstitution du stock semencier dans le sol.

En octobre 2013, Hippotese est de nouveau intervenu en fauche, labour et semis de Petit Épeautre, sur les même zones.


Toute les équipes (CBNA, Conservatoire, Ass. de Serpolière, Hippotese) sont à pied d’œuvre...

Après le labour à la brabannette et un premier hersage, une collecte manuelle des ronces rampantes très présentes au sol a été effectué avec exportation et mis en tas hors de la parcelle. Des graines de 4 messicoles (Papaver rhoeas, Agrostemma githago, Bupleurum rotundifolium et Legousia speculum-veneris) ont été ajoutées au semis.
Après celui-ci, un nouveau hersage et un roulage a été effectué.


2013, labour à la brabannette...


...de nombreux bulbes sont présents en terre...


...ramassage et exportation des ronces...


...hersage avant et après semis...


...et roulage

En octobre 2014, Hippotese est intervenu sur les même zones en fauche mais sans labour, seulement un double passage (10-15 cm) à la herse canadienne (canadien), suivi d'un hersage, d'une collecte manuelle des ronces, d'un semis de seigle (pour tenter de nettoyer la parcelle des adventices envahissantes), suivi d'un nouveau hersage et d'un roulage.


2014, sarclage au canadien...


...premier hersage et semis de seigle...


...second hersage de recouvrement...


...et roulage final.

Les opérations de labour et de semis de céréales seront poursuivies sur plusieurs années ainsi que le contrôle des résultats au printemps sur les populations de tulipes et de messicoles. Si cette gestion s’avère concluante, elle sera maintenue sur le site. Un nouveau semis de messicoles sera réalisé sur la parcelle dès que des stocks suffisants seront à nouveau disponibles en banque de semences.

Du point de vue de la prestation de service "Traction Animale", on comprend bien l'intérêt du faible tassement au sol mais on voit surtout la nécessaire plasticité des modes d'intervention qui sont au service des scientifiques et évoluent en fonction des résultats des suivis.
Il faut faire preuve d'imagination et proposer une diversité d'outils et de méthodes en fonction des résultats des expérimentations et des tentatives de créer (ou recréer) des milieux favorables aux plantes que l'on tente de réintroduire ou de sauvegarder.

Pour ceux qui souhaiteraient avoir de plus amples renseignements sur les tulipes de Maurienne et leur écosystème, voici quelques pistes :

NB1 : Préconisations de gestion (tirées de "Suivis des transplantations de Tulipa sylvestris L. sur Die", CBNA, août 2013, Stéphanie HUC)
Ces préconisations sont communes aux trois sites sur lesquels ont été faites les réimplantations. Elles sont issues du Cahier des charges pour la gestion de l’espèce à Die (26) (Fort, 2007) qui recommande :

  • un labour de 20 à 25 cm de profondeur à l’automne, réalisé chaque année jusqu’en 2012 afin de favoriser l’installation et le développement des tulipes. Le labour permet de remonter régulièrement les bulbes de tulipes vers la surface sinon les bulbes s’enfoncent d’un à deux centimètres par an, ce qui à long terme menace une population. En effet plus les bulbes sont profonds moins ils sont capables de redémarrer un nouveau cycle chaque automne ;
  • un ensemencement de la culture à l’automne avec de préférence des céréales d’hiver ou des cultures pérennes avec rotation tous les trois ou quatre ans. Éviter les plantes hautes (maïs) pouvant porter préjudice par ombrage aux tulipes. Le semis doit être clair (150 kg/ha ou 1,5 kg pour 100 m²) ou prévoir des trouées où la culture serait moins dense (5 trouées par ha) ;
  • un sarclage (labour inférieur à 10 cm de profondeur) chaque été (lorsque les feuilles sont jaunes) si la culture mise en place le permet. Le sarclage permet la séparation des bulbes mères et des bulbilles et la dissémination des bulbilles ;
  • aucun travail du sol de décembre à juin ;
  • ne pas utiliser d’outils rotatifs (par exemple des cultirotors). Ces engins ‘broient’ les bulbes. Préférer les outils à dents ;
  • éviter les produits phytosanitaires ou n’utiliser, qu’en cas d’extrême nécessité, un désherbant spécifique non nocif à la famille des tulipes (Liliacées) ;
  • limiter les amendements (N, P, K, S).

NB2 : crédit photos :
- jardin botanique de Saverne : http://jardin-botanique-saverne.org/tiki-browse_gallery.php?galleryId=47&offset=72
- Association Hippotese : http://hippotese.fr
- CNBA (Conservatoire Botanique National Alpin).

NB3 : Autres documents à télécharger :

NB4 : un petit film des opérations en 2014, pour se rendre compte en live... :


Tulipes de Maurienne, Serpolière, Saint Julien... par hippotese