Pour compléter mon billet précédent sur le débardage de voiture en talus, voici une petite vidéo et quelques photos qui vous permettront de vous imprégner de l'ambiance du chantier...
Mot-clé - débardage de voiture
lundi 2 décembre 2024
Débardage de voiture en talus, Il faut bien calculer... (suite, vidéo et photos...)
Par Deny Fady le lundi 2 décembre 2024, 17:47 - Recherche-Matériel-Harnais
jeudi 28 novembre 2024
Débardage de voiture en talus, Il faut bien calculer...
Par Deny Fady le jeudi 28 novembre 2024, 17:55 - Recherche-Matériel-Harnais
On nous demande parfois de sortir des objets (grume, carcasse de voiture...) tombés en contrebas d'un talus, en général sur des chemins peu accessibles, en bord de rivière ou dans des sites sensibles.
Il est intéressant, avant d'accepter la mission, d'évaluer l'effort nécessaire afin de dimensionner le système technique à prévoir et pouvoir évaluer son coût et/ou sa faisabilité.
Je vais vous montrer sur un exemple récent, que l'on peux sous-estimer la difficulté, en négligeant de faire des observations précises et quelques calculs de physique au préalable...
Je vous présente le projet tel qu'il m'a été soumis par Noémie. Il s'agit de sortir d'un talus une voiture (206 Peugeot) pour la remonter sur un chemin dans une forêt de Chartreuse.
Voici les 2 photos qu'elle m'a envoyé...
Que j'ai bricolé pour en faire une seule...
Là dessus, j'ai estimé à la louche un certain nombre de paramètres et j'en ai conclu "fingers in the nose" qu'il n'y avait pas de difficultés.
Ma première analyse :
- Une petite voiture 206, autour de 800 kg, à tirer sur 10 mètres.
- Un point d'accrochage existant, solide et bien placé (arbre, croix jaune).
- Un chemin de halage, légèrement descendant, en ligne droite de plus de 50 m de long. A priori avec un sol peu glissant.
Ma 1ère solution :
Un mouflage quatre brins avec 4 poulies ciseaux PC16 et un câble acier 6 mm de 50 m doit suffire (je choisis le câble acier car il est moins sensible à l'usure par frottement que le câble synthétique).
Le petit croquis d'explication que j’avais fait
N'ayant pas pu être personnellement présent sur les lieux le jour dit, pour raison médicales, Noémie, Pierre, Nina et Loup ont donc mis en place le système et réalisé le débardage de la voiture avec succès mais non sans difficultés. Voici le compte-rendu de Nina.
Chantier original en Chartreuse Récit de Nina Mas
Noémie adhérente à Hippotese et responsable de l’entreprise de prestation en TA « d’Un Seul Trait » est récemment arrivée en Chartreuse. Lorsqu’elle a présenté son projet à la commune, la mairie lui parle alors d’un chantier qui pourrait l’intéresser.
Une sortie de route étant vite arrivée une voiture s’est accidentée dans un ravin 5m sous la route. Chance pour le conducteur qui s’en sort sain et sauf car le ravin se termine une trentaine de mettre plus bas dans une rivière caillouteuse.
Noémie n’étant pas équipée, elle a fait appel a Hippotese pour son soutien matériel, technique et humain.
La demande de la municipalité de Saint Pierre d'Entremont (Savoie) est simple, sortir la voiture du ravin et la mettre sur la route. Ce qui n’était pas prévu et qui nous a rajouté environ deux heures de travail c’était de la traîner sur la route sur 50 mètres afin de l'amener sur un replat pour permettre à la dépanneuse de la récupérer sans difficulté.
Nous n’étions pas trop de 4 humains, 1 cheval, et deux caisses de matériel de mouflage pour répondre à la problématique du chantier. En plus de la réflexion technique en amont de Deny F.
Première étape, la veille du chantier officiel, afin d’aller repérer les lieux, comprendre le chantier, et mettre en place le matériel dont nous aurions besoin le lendemain.
L'étude sur place des conditions réelles nous a poussé à modifier le système envisagé. L’enjeu était de trouver la solution la plus pertinente pour remonter la voiture avec nos contraintes de terrain et le matériel à disposition.
Le mouflage prévu n'était visiblement pas suffisant (plus dur que prévu) et il a fallu augmenter le nombre de brins, ce qui a obligé à prévoir des reprises compte tenu de la longueur de câble à disposition.
Il fallait de plus absolument mettre en place un dispositif de sécurité pour s'assurer que la voiture ne redégringole pas en bas du ravin lorsque nous devions effectuer ces reprises ou en cas de rupture d'un élément tracteur (câble, mousqueton, chaîne d'accroche...).
Cette sécurité a été réalisée avec un câble synthétique, un moufle 6 brins. Le câble était enroulé d'un tour autour d'un arbre et repris en tension au fur et à mesure.
Nous avions le matériel d'Hippotese à disposition et nous avons dû en rajouter (notamment des câbles) une fois rentrés de l'étape de préparation.
Pour la plupart nous n’avions que très peu pratiqué les techniques de mouflage, c’était très formateur de devoir réfléchir ce chantier et bien sur d’être accompagnés de Pierre G. qui a pu nous partager son expérience.
Aux deux premières traînes du matériel à cassé, une chaîne d'accroche à l'emplacement d’une soudure et un crochet raccourcisseur mis en remplacement, sans doute trop faible (que nous n'avons pas retrouvé).
La suite de la matinée s’est déroulé sans autre aléa, la voiture a pu être tirée du fossé puis remontée sur la route.
Il aura fallu 1h30 de préparation la veille puis une matinée de 7h30 à 13h30 pour mener jusqu’au bout le chantier, soit 7h30 au total, à 4 personnes.
FIN
A l'écoute du récit de Nina, je me suis remis en question et j'ai tenté d'analyser mes erreurs...
Mes erreurs de jugement :
La première, a été de ne pas me rendre sur place pour analyser la situation, les photos déforment la réalité et aplatissent les perspectives. Et quand on a surtout une expérience pratique et expérimentale, on ne sent pas les choses si l'on n'est pas sur le terrain.
Pourtant Noémie m'avait invité à aller sur place, mais faute de temps et trop sûr de moi, j'avais décliné.
La seconde erreur a été d'envisager la situation comme si nous étions en faible pente et ne pas avoir mesuré la hauteur du déplacement de la charge, ni la pente naturelle du talus.
La troisième erreur est d'avoir sous estimé le poids de la voiture, une 306 fait 1000 kg (une simple interrogation du Net m’aurait renseigné), mais en fait, nous avions à faire à une Peugeot 307 hdi qui pèse, elle, prés de 1300 kg (une observation précise du terrain, on vous dit...).
Et enfin la quatrième est d'avoir sous estimé le frottement d'une épave, à laquelle il manquait 2 roues sur un sol meuble forestier en sous-bois (Noémie avait proposé de trouver 2 roues à la casse pour remplacer les 2 manquantes, j'avais refusé...).
Voici le dessin que j'aurai dû faire :
Et le schéma analytique que l'on peut en tirer...
Ma seconde analyse :
Nous avons un solide de 1300 kg de masse, à monter d'une hauteur de 7 m sur un plan incliné à 45°.
Nous ne connaissons pas la valeur du frottement de ce solide sur le sol (qui va augmenter l'effet du poids), ni celle du câble sur l'arête supérieur du talus car nous pouvons difficilement nous accrocher assez haut sur l'arbre pour éviter cette ligne de traction brisée (en fait, il y a 4 lignes de traction car 4 brins au moufle et donc 4 frottements).
Le poids de l'objet est égal à m x g soit 1300 x 9,81 = 12753 Newtons, ou 1275,3 daN ou 1275 kgf
Comme le talus est incliné à 45°, l'effet du poids (parallèle à la pente, en rouge) est : m x g x sin α, or sin α = sin 45° = 0,707
Donc l'effet du poids sur le plan incliné est 12753 x 0,707 = 9017 N soit 901,7 daN ou 902 kgf
Donc sortir cette voiture du talus, indépendamment du frottement, revient à lever verticalement une charge de plus de 900 kg sur une hauteur de 7 m !
Toujours en négligeant le frottement (parce qu'inconnu mais certainement pas nul), le cheval doit exercer un effort supérieur à 902 / 4 puisque nous avons 4 brins, soit 225,5 kgf, pour espérer déplacer la charge.
Pour info, un effort de 70 kgf est considéré comme standard, 140 kgf, comme fort et 210 kg comme très fort.
Mais en plus, contrairement à une traction comparable sur le plat, la charge voudra redescendre (elle pèse de tout son poids) donc la traction statique (à l’arrêt) ne peut pas être inférieur à cette valeur sinon, le cheval sera lui même entraîné en arrière...
Il faut donc prévoir de verrouiller la charge dans une position quelconque afin qu'elle ne tire pas le cheval en arrière si celui-ci s'arrête ou si on a besoin de faire des reprises ou encore en cas de rupture d'un éléments.
Bref, sur ce type de chantier (sur les autres aussi) :
- Il faut faire preuve d'humilité.
- Aller sur place, mesurer, calculer les efforts en jeu, se faire aider au besoin.
- Utiliser du matériel de qualité et éprouvé, surdimensionner les systèmes.
- Mettre en place un dispositif de sécurité indépendant du système principal.
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