Lors de la dernière AG d'Hippotese (2012), Gilbert Simond, notre hôte, par ailleurs prestataire en vigne, nous avait proposé de nous présenter les types de travaux en vigne qu'il réalise habituellement.
Nous avions accepté avec joie, toujours avide de connaître des façons culturales ou des outils spécifiques à une région.
Voici le petit commentaire que Gilbert a bien voulu nous écrire, pour illustrer les photos de cet après-midi du samedi 1er décembre 2012 :

La première charrue avec age (sans accent circonflexe, voir explication en fin de texte) en bois est une charrue vigneronne dite "butoir simple" fabriquée (jadis) par un excellent constructeur: Louis Brochot à Pommard, 21 (Côte d'Or).

Ce constructeur avait compris que pour avoir une bonne stabilité, une bonne maniabilité, et un angle de pénétration idéal et facile à trouver (le terrage) il faut que l'age (mot du Francique hagja) ou flèche, ait une longueur suffisante c-a-d assez long, mais raisonnablement pour ne pas être trop loin de son cheval et ne pas être gêné dans les contours (nom local du bout de rang) pour effectuer les demi-tours.

Toutes les charrues de Mr Brochot ont cette caractéristique et elles sont d'un vrai plaisir à manier, évidemment, celà s'entend dans les conditions de sol de l'époque, c-a-d dans des sols pas du tout compactés.

C'est pourquoi on remarquera une modification de l'accroche que j'ai fait, la chaîne reliée au point d'ancrage sur l'age passait sous l'age et le secteur (direction du bout de l'age) était également dessous ce niveau. Aujourd'hui, dans des vignes qui sont roulées au tracteur, si légers soient-ils (sic), la pénétration des charrues à cheval est rendue difficile, quelquefois impossible ! Il faut voir, si besoin est de s'en persuader, l'énergie déployée par les vérins hydrauliques des tracteurs, pour faire rentrer leurs charrues !

Avec cette charrue, on verse une "lèche" de terre sur le pied, de chaque côté, on réalise ainsi la première opération du buttage. Puisqu'on fait les 2 côtés, on passe donc 2 fois par rang.

Ce "cavaillon" réalisé sur la ligne des ceps est la clé de voûte du labour en vigne, car la difficulté n'est pas de labourer et garder propre le milieu du rang, mais de garder propre (s'entend lutter contre les adventices) la ligne des ceps, l'espace entre les ceps.

En recouvrant cet espace de terre, on étouffe l'herbe qui s'est installée en fin de saison, (août-septembre), quand on ne laboure plus. On empêche aussi que d'autres graines ne germent et ne s'installent en tout début de saison (février/mars).

En avril commence le décavaillonnage, action de retourner ce cavaillon réalisé en automne/hiver vers le milieu du rang.

Ainsi le travail de labour et de lutte contre les adventices sur la ligne des ceps est complet.

L'herbe qui aura commencé à s'installer sur le cavaillon sera à nouveau détruite, et cette action va creuser entre et autour des ceps la terre sur quelques cm et l'herbe qui va commencer de germer dans ce creux va être à nouveau étouffée lors de la mise à plat (c-a-d lorsque la butte au milieu du rang, formée par le décavaillonnage, va être remise à plat, par une charrue à griffe ou/et à cœurs).

Une bande de terre étroite non labourée, subsiste néanmoins, sur l'exact milieu du rang. C'est l'objet de la deuxième opération : Le buttage.

La deuxième opération de buttage s’effectue avec un buttoir double, c-a-d une charrue qui verse des deux côtés comme on peut voir sur la photo.

On va éclater la bande de terre laissée au milieu en ouvrant un sillon central. Ce faisant, toute la surface du rang va être labourée ou recouverte de terre retournée.

Personnellement, je réalise cette deuxième opération sur les vignes qui on tendance à avoir facilement beaucoup d'herbe, ce qui permet au printemps de démarrer la saison avec une parcelle "propre" plus longtemps, me donnant ainsi le temps de gérer au mieux les urgences et le décavaillonnage qui est toujours chronophage.

Le double buttoir utilisé ici est un buttoir Morgnieux, constructeur à Villefranche s/ Saône, 69 (Rhône). Je n'ai pas trouvé de buttoir Brochot, mais celui-ci va bien. Il est équipé d'une accroche pour treuil, ce n'est pas non plus ce qu'il y a de plus pratique pour les demi tours, mais je fais avec.

J'ai rajouté un coutre qui permet de guider plus facilement la charrue dans cette étroite bande de terre, ainsi que deux roues à l'avant, qui se calent dans les deux sillons laissés par la charrue vigneronne (il était originellement équipé d'une seule roue).

A noter que cette démonstration à été effectuée dans une vigne sur sables aimablement prêtée par son propriétaire en raison des conditions météo des jours précédant la démo (fortes pluies) et pas labourée au cheval habituellement, avec de grosses touffes de ray-grass qui rendaient le travail difficile.


Définition de Age :
Age est en réalité la forme dialectale du Centre de la France (qui signifie "Perche de charrue"), Cette forme dial. est une altération de l'ancien français "haie" (pièce la plus longue de la charrue et qui reçoit l'attelage), sens second du français haie "clôture faite d'arbres", emprunté. à l'ancien bas francique : hagja "haie, clôture".
Nota : du néerlandais haag, qui s'apparente à l'allemand Hage "bocage", du suisse Häge "enclos, haie", à l'anglais haw "aubépine". Le francique a aussi donné le franco-provençal adje, adze "haie vive" et le nord-occitan ajo "haie", d'où est tiré ajonc.
Le glissement sémantique. de "clôture" à "timon de charrue" s'explique peutêtre par la forme allongée de cette pièce pouvant évoquer une barrière ou l'endroit d'où était tirée la perche servant d'age.
Traductions : allemand : Pflugbaum, anglais : beam, draft-pole.


Je vous met aussi quelques photos du harnais bas-cul qu’utilise Gilbert, je rajouterai les commentaires éventuels plus tard...

Ainsi que quelques photos de la sarcleuse (à treuil) fabriquée dans la Drôme, qu'avait amené Thierry Bret que nous avons essayé aussi... Je rajouterai des commentaires plus tard aussi...