Hippotese, Le cheval de Travail

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Mot-clé - Luc Maes

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mardi 8 mai 2007

Jeu N3, Les chevaux de corporations, la solution 10/20

Aujourd'hui, (et sur plusieurs billets) je vais vous parler plus précisément des chariots surbaissés, les fameuses "voitures des Nations" (Natiewagen) qui sont spécifiques au port d'Anvers (ou presque, nous le verrons plus tard...).

Vous pouvez voir ci-dessous quelques documents qui permettent d'étudier en détail ces véhicules construits spécialement pour le transfert de docks à docks de marchandises le plus souvent en sacs, chargés à dos d'hommes, en empruntant une zone de circulation plate et pavée.

Lus Maes qui est allé sur place photographier et étudier un chariot au Musée Maritime d'Anvers nous a rapporté les mesures suivantes :

  • Longueur du plateau : 5,2 m
  • Largeur 1,25 m
  • Diamètre roue arrière 1,45 m, 14 rayons
  • Roue avant 0,75 m
  • Epaisseur des bandages métalliques 25 mm

Je rajouterai la hauteur du dessus du plateau que j'ai estimé entre 0,50-0,60 m (la hauteur d'un tabouret)
Et le poids à vide que nous avons estimé à une tonne environ.

Voici les photos de Luc Maes qui montrent en détail le chariot et en particulier le train avant et la plaque tournante :

Si l'on en croit le site :
http://users.pandora.be/onsbelgischtrekpaard/fr/geschiedenis.htm

"Le cheval de trait belge est sans conteste le plus puissant tracteur vivant qui existe au monde. Il fournit au pas, journellement des rendements de 2 millions à 3,5 millions de kilogrammètres. Les chevaux des nations du port d'Anvers, comme ceux de la firme de déménagement Vandergooten de Bruxelles, traînaient toute la journée sans fatigue apparente des charges de 5 tonnes."

En comptant le poids mort de la voiture, on peut conclure que la charge pouvait atteindre 4 tonnes, je suis plus sceptique sur le rendement journalier proposé et je vais tenter de vous le démontrer.

Pour vérifier l'hypothèse proposée (2 à 3,5 Mega kgm par jour), j'ai tenté de calculer le travail effectué par un cheval de corporations pendant une journée ordinaire.

Pour celà, j'ai fait calculer par Mappy la distance à parcourir pour aller de "Kattendijkdok Noordkaai" à "Vlaamsekaai" (soit du bassin le plus au nord à celui le plus au sud pour l'époque) en suivant l'Escaut, la distance à parcourir est d'environ 5 km (5,04 km).

En imaginant une voiture moyennement chargée à 2,5 tonnes (soit 3,5 tonnes de PTC, les omnibus parisiens pesaient 3,6 tonnes en charge), roulant au pas à 5km/h pendant 4 heures (les journées de l'époque sont de 10 heures, mais on sait que les chevaux ne peuvent pas tirer de fortes charges pendant plus de 4 à 6 heures, et compte tenu des manœuvres d'accrochage, on peut envisager des déplacements purs de 4 heures de temps à minima), soit 4 x 5 km = 20 km (ce qui correspond quand même à 2 aller-retours en charge entre les 2 quais les plus éloignés).

En considérant que le coefficient de traction est de 2%, je reprends ici les résultats des études de la CGO, (voir un précédent billet sur la puissance réelle des chevaux de trait), soit que pour déplacer 100kg, on doit exercer une traction au crochet de 2kg.
On obtient donc, pour une charge de 3,5 tonnes déplacée sur 20 km (à plat), un travail de (3 500 kg x 0,02) x 20 000 m = 1 400000 kgm (soit 1,4 million de kilogrammètres) par attelage et donc 0,7 millions de kilogrammètres par cheval).

NB : La force au crochet développée par chaque cheval de l'attelage est alors de (3500 kg x 2% / 2) 35 kgf à 1,4 m/s (5km/h).

On sait, par ailleurs que 1 kgm = 9,8 joules, donc 0,7 Mega kgm = 6,86 Mega Joules.

La Puissance étant le rapport entre le Travail (en Joule) et le Temps (en Seconde), si l'effort a duré 4 heures (4 x 3600) soit 14 400 secondes, la puissance développée en continu pendant ces 4 heures a été de 6,86 M / 14 400 = 476 watts soit 0,65 CV (ce qui est important ! Pour mémoire un cheval vapeur (CV) fait 735 watts.

Mais il faut ramener celà à la journée de 10 heures...

Notre cheval d'hypothèse, qui aura fait ses 2 aller-retours en charge (en imaginant qu'il a emporté des marchandises et qu'il en a ramené d'autres) pendant 4 heures de traction continue sur sa journée de 10 heures aura développé une puissance moyenne de 6,86 M / (10 x 3600) = 190 watts soit 0,26 CV (pour ce seul déplacement de 20 km).
Celà semble déjà une puissance moyenne adaptée, compte-tenu du fait qu'il aura sans doute fait d'autres efforts par ailleurs (en effet on considère qu'un cheval d'omnibus par exemple ne pouvait pas développer plus 1/3 de CV moyen pendant une journée, sachant qu'il devait le faire le lendemain puis les jours suivants...).

On voit donc, qu'un cheval qui développerait 3 Mega kgm (comme proposé en moyenne sur le site cité précédemment), soit 29,4 Mega Joules sur 10 heures de travail, produirait une puissance moyenne de 816 watts, soit 1,11 CV de moyenne, pendant 10 heures, ce qui semble, à mon avis, impossible de façon régulière !

NB : sauf erreur de calcul de ma part...

samedi 28 avril 2007

Jeu N3, Les chevaux de corporations, la solution 9/9

Voilà enfin des nouvelles des chevaux de travail du port d'Anvers.

Je sais, je vous avais un peu abandonné sur cette saga, mais le printemps est une période chargée pour tous et je ne trouvais pas assez de temps pour me remettre sur ce projet...

Une bonne nouvelle toutefois, j'ai (nous avons) trouvé pas mal de nouvelles infos et de nouvelles images.

Un grand merci à Luc Maes pour sa superbe contribution, ses photos sur place pour vérifier nos hypothèses, ses traductions du Flamand et tous ces documents rares qu'il est allé chercher dans les musées d'Anvers ...

Amis lecteurs, soyez heureux, les articles sur "les voituriers des Nations du port d'Anvers" ne s'arrêteront donc pas au numéro 9/9 comme je le pensais quand j'ai entrepris (presque par hasard) cette "Histoire des chevaux de Corporations".

Et pour commencer un document extraordinaire que m'a offert Luc, il s'agit d'une carte d'État Major, datée de 1903 (justement, la période qui nous intéresse).

Je vous livre cette carte d'État Major d'Anvers (1903) en 500 pts

Pour comparaison une photo aérienne actuelle d'Anvers en 500 pts (accessible en ligne ici)

Et la carte d'État Major d'Anvers 1903 (partielle) en 2500 x 3500 pts (attention c'est un peu lourd : 2,9 Mo)

Les lecteurs intéressés pourront étudier à loisir ce document qui m'aurait bien facilité la vie s'il avait été en ma possession il y a quelques mois...
On y voit clairement les docks sud et leur ligne de tramway, les hangars le long des quais St Anne (sur l'Escaut), les douves et les fortifications de l'enceinte de la ville aujourd'hui transformées en périphérique routier et les bassins nords déjà nombreux avec leur écluses qui communiquent avec l'Escaut.

Un autre document intéressant qu'a déniché Luc est la liste des Nations et leur couleur (voir l'article 7/9 précédent)

Luc a aussi réalisé une traduction et un résumé de quelques pages du livre "de Antwerpse naties" Les Nations d'Anvers. De Gustaaf Aschaert, 1990, Lannoo Edit. Isbn 90 209 1816 8, pages 173-179.
voici quelques explications sur les noms, les couleurs et l'inventaire de leurs biens...

Il s'agit de la période fin 19eme, début 20eme siècle. A cette époque les nations prenaient de plus en plus le statut de société.

Sur les noms et les couleurs :
A cette époque les noms des nations liés à leur lieu de résidence ou au nom de leur fondateur commencent à disparaître pour être remplacés par des noms liés aux marchandises comme nation-du-vin, nation-du-coton, nation-du-fer, nation-du-tabac.
Ces noms sont parfois trompeurs, par exemple la nation-du-lait était aussi spécialisée en tabac que la nation-du-tabac et la nation-du-vin s'occupait aussi du commerce des métaux.

Une 2ème catégorie de noms était plutôt lié aux lieux d'exportation : nation-de-Cuba, nation-de-Finlande, nation-d'Amérique.

Mais il y avait aussi des nations avec des noms de peuples ( les turcs, les grecs,...) ou des noms comme "paix", "avenir", "espoir" ou "union".
Le plupart des nations avaient leurs propres couleurs pour marquer leur matériel en propriété.

Les statuts :
Les statuts des différentes nations était en général le plus large possible. La formule la plus répandue était "Charger et décharger des bateaux, peser, transporter et transformer et stocker des marchandises et toutes activités liés au commerce et à l'industrie".
Comme la loi le prévoit, le capital social était marqué dans les statuts et dans certains cas bien détaillé. Par exemple, dans les statuts de la Valkeniersnatie de 1891 on trouve : à part une propriété au 7 de la Gildenkamerssraat :

  • 20 chevaux avec harnachements complets,
  • 50 chars donc 9 avec ridelles,
  • 3 grues, 26 pelles, 6 petits pelles, 270 toiles, 24 balances,
  • 700 battons de nation (?),
  • 7 charrettes à bras, 5 bascules,
  • et 20 cordes et crochets, le tout estimé à 100.000 francs (belges de l'époque ?)

Beaucoup des bâtiments des nations à cette époque était battis sur un même plan ; coté rue, on trouvait souvent une auberge et au premier étage l'appartement du régisseur.
Via une porte cochère on accédait à une place centrale avec autour les bureaux, les écuries, les magasins,et pour les nations plus importantes, une forge, une charronnerie, une menuiserie...

Avec l'arrivée des bateaux à vapeur et l'activité de plus en plus soutenu dans le port, une nouvelle catégorie de travailleurs voit le jour : les dockers.
Les dockers travaillent sur le bateau pour charger ou décharger, les travailleurs des nations travaillent sur le quai.

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui...