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Rapport "Chevaux de trait : le retour ?"

IV. VILLES

2. Fiches de terrain

Fiche N°14 : Promenade hippomobile (transport écologique)
dans le Parc Départemental de la Courneuve (Seine-Saint-Denis)

 

1. REDACTEUR : Bernadette LIZET

Date de la rédaction : 20 avril 1999

 

2. INTITULE : Promenade hippomobile, transport écologique dans le Parc Départemental de la Courneuve (Seine-Saint-Denis).

Mots-clefs : Chevaux départementaux, péri-urbain, Parc Départemental, animation culturelle et sociale, club hippique, culture cavalière, spectacle.

 

3. ORGANISME

Conseil Général du département de la Seine-Saint-Denis et Luc Michelon (les Traits Volants : association à but lucratif (créée en 1994)

 

4. SOURCES D'INFORMATION

- Terrain et entretien sur le site, en omnibus, le 4 avril 1998 (Luc Michelon, prestataire, responsable de l'activité et Alexandra Schmitt (cocher, meneur en formation, cavalière du Club hippiquede la Courneuve)

- Échange téléphonique avec Marie-Hélène Joye, directrice du parc départemental de la Courneuve

- Prospectus du Conseil Général

 

5. DATES, DUREE, PERIODICITE DE L'OPERATION

De Pâques à septembre, les week-end et jours fériés, à partir de 14 h30

 

6. REPERES HISTORIQUES, GEOGRAPHIQUES ET SOCIAUX

- Histoire du Parc Départemental de la Courneuve :

o 400 ha, création en 1962, ouvert au public en 1970

o L'idée du "transport écologique" va de pair avec celle des voitures électriques, des policiers en bicyclettes et du gardiennage à cheval (gardes et policiers).

o L'objectif était au départ d'acquérir le matériel et les chevaux, et de mettre le tout en concession auprès d'un particulier (fonctionnement 1994); mais la dépendance à l'égard du temps(météo) et la saisonnalité de l'activité s'est avérée telle qu'il a fallu que le Département s'engage dans un soutien financier beaucoup plus important, avec honoraires à la journée pour le cocher et son groom. Le service était quotidien, il a été réduit aux fins de semaines et jours fériés.

o Le raisonnement "écologique" s'est donc progressivement globalisé, du souci anti-pollution du début au "tout social", au travail relationnel (avec calcul du pourcentage de population d'usagers du Parc touchés par la suite).

- Côté prestataire de service (Luc Michelon, Les Traits Volants) :

o Le système "promenade en omnibus dans le Parc de la Couneuve" a été mis en place en 1994 par Claude Augé, un cascadeur spécialisé dans l'utilisation (poste hongroise) et l'élevage du Cob normand. Il avait fait construire l'omnibus pour son usage personnel (attelage de ses vingt chevaux). Ayant été contacté par le Conseil Général pour concrétiser l'idée du transport écologique (en remplacement d'un petit train hors normes techniques), il lui a vendu cet omnibus et six Cobs, dont il a par ailleurs assuré le service la première année. Il l'a jugénon rentable et a déserté le service (d'où la nécessité de chercher un autre prestataire, et d'autres modalités).

- Omnibus : copie non conforme de l'omnibus parisien (roues à pneus, étage plus large pour une permettre une contenance maximum).

 

 

7. ACTEURS

Contrat entre :

- Le Conseil Général, qui a financé l'achat du matériel et des chevaux, la construction du hangar où sont remisés l'omnibus et les harnais (avec les autres voitures), et qui contribue largement au financement de l'entretien des chevaux.

- Luc Michelon :

o cocher et meneur

o créateur d'une petite entreprise de location d'attelages et d'animations pour la ville, combinant élevage, dressage, utilisation et commercialisation de chevaux de trait

o spécialité : le cheval Boulonnais (élevage, dressage, valorisation)

o animation fondatrice : un parachute ascensionnel tiré par des chevaux de trait (Boulonnais), une animation intitulée "parattelage", d'où le nom de l'entreprise créée, "Les Traits Volants" (reprise - d'après une photo - d'une idée de spectacle développée à Chambord dans les années 1980.

 

8. DEFINITION DE L'ACTION

a) Aspects techniques :

- Promenade en omnibus (35 personnes, entre 4,5 et 5 t à charge) à trois chevaux dans le Parc. De vingt minutes à une demi-heure (selon le chargement de la voiture, temps d'installation et déchargement), entre la buvette du Manège (sud-ouest du Parc) et celle de la Maison du Parc : à ces deux points d'arrêt, les passagers peuvent acheter leurs billets (10 f pour les adultes et 5 pour les enfants). Deux temps de trot, sur les parties bien roulantes.

- Ce travail (de 2h1/2 jusqu'à 7 h-7h30 s'il fait beau) requiert :

o Des chevaux bien dressés, de bonne volonté et calmes (les vélos leur passent sous le nez, les gens leur passent la main dessus...) aptes à tirer en équipe, sans "en faire de trop" et répondre à des ordres sélectifs. C'est surtout au démarrage (avec un voiture pleine "difficile à décoller") qu'il faut qu'ils "obéissent ensemble". Après "il faut qu'ils soient aux ordres, parce que quand on arrive sur une foule de gamins, des gamins qui courent après leur ballons, des vélos, il faut pouvoir s'arrêter ou slalomer quand il faut"... "Il y en a, ça les amuse de rouler juste devant l'attelage et ils sont des fois tellement fascinés qu'ils continent de pédaler en regardant derrière, on les voit tomber". Il arrive qu'on excite quelque pitt-bull contre les chevaux, mais cela reste du théâtre (les combats de chiens organisés dans le Parc ne le sont pas). Mais le Parc est remarquablement exempt d'insectes piquant les chevaux (et les hommes).

o Des harnais exactement adaptés : colliers québequois légers et confortables (les chevaux n'ont jamais blessé), avaloirs modifiés sur les équipements d'origine, car ils ne remplissaient pas leur office (freiner la voiture par les chevaux, sans avoir à recourir au frein).

o Un personnel qualifié (un cocher professionnel diplômé, assisté d'un aide - groom - expérimenté) : la responsabilité de 35 personnes est lourde, et cette voiture "se conduit comme un poids lourd" (grande inertie), et suppose de "savoir anticiper". Il faut un démarrage synchronisé des chevaux, et qu'ils retiennent ensemble la voiture dans les (faibles) descentes ; le cocher doit savoir coordonner leur travail (ordres sélectifs). Il faut encore gérer les dos d'ânes, les aborder bien de face, afin que le timon ne vienne pas brinqueballer entre les chevaux.

o On ne peut pas dissocier ce travail saisonnier des jours chômés de l'omnibus de l'utilisation régulière à l'année des six Trait par le club UCPA : c'est la condition d'une disponibilité immédiate de leur force de traction lors de la reprise de Pâques. L'articulation entre les fonctions de l'omnibus départemental sur le Parc et celles de l'école d'attelage du Parc est excellente (prestations "professionnelles" des deux côtés, avec une jeune cavalière-meneuse en formation, bénévole, qui assure la liaison, et un apport de conseils techniques du côté du cocher de l'omnibus).

Un seul problème, résolu en 1999 (changement de maréchal : on s'adresse désormais à un spécialiste du cheval de trait, - voir rubrique 14) : la ferrure. Le ferrage était désynchronisé entre les membres antérieurs et postérieurs, un usage excessif du tungstène anti-dérapant était fait (vibrations pathogènes dans les pieds).

b) Fonctions sociales et pédagogiques

- Un service presque gratuit apporté par le Conseil Général aux usagers du Parc (politique sociale du Département)

- Politique "écologique" du Département (qui travaille ainsi son image)

- Réapprentissage de la relation au cheval de travail dans un espace public (pédagogie) : "pour les gens de la ville qui ne voient plus de chevaux, ça leur permet de reprendre contact" (une catégorie de passagers qui cherche s'informer, sur la race, le métier de cocher...). "Ils sont beaux les poneys".

- Le cocher et le groom doivent être aussi pédagogues : petite guerre d'usure avec les groupes d'enfants qui cherchent à monter sans tickets, avec lesquels il faut parlementer, en les laissant prendre plaisir du contact avec les chevaux. De leur poste d'observation privilégié (vision panoramique, à 4 m du sol), ils assurent par ailleurs une surveillance "douce" (pas d'intervention directe, mais observation et alerte au talkie-walkie qui leur permet de communiquer avec la police à cheval, en cas de déclenchement de bagarre par exemple).

- Le groom est en situation d'apprentissage (durant la saison 1998, c'était un apprenti de Traits Volants ; en 1999 c'est la jeune femme meneur du club hippique - jardinière à la Ville de Drancy)

- L'omnibus aux trois chevaux de la Courneuve constitue donc une prestation sociale, et une animation duu Parc : la notion "d'écologie" recouvre à la fois l'idée d'un choix anti-pollution, et aussi de technique socialement attrayante, par le spectacle (véhicule et attelage impressionnants, harnais de parade, costume soigné des cocher et groom - genre "Nouvelle Orléans" en été : campagne habillée). Ce sont les enfants (et les pré-adolescents) qui sont particulièrement attirés par la prestation (intérêt réciproque : glaces, sucreries et pop-corn que les chevaux ont appris à aimer et à voler).

 

9. CAVALERIE

Cinq Cobs normands alezans, un Boulonnais (alezan, imitant Cob) : deux juments (Belle de Mai et Camille Falun), quatre hongres (Duc, Dinosaure, Défi et Falun)

 

10. INSCRIPTION DANS DES RESEAUX

- Le cocher :

o a été initié par Bernard Celeyron, l'un des derniers maîtres d'attelages, héritier de l'art du menage du début du siècle , dispensateur de la technique du menage à six chevaux, du remisage en ville

o est prestataire de service pour Animaville depuis six ans (et formateur pour les prestations attelage)

o a formé un jeune cocher occasionnel, en cours d'installation professionnelle dans la région de Beauvais

o est l'un des membres fondateurs du Syndicat des cochers (secrétaire du bureau)

o membre de Traits de Génie depuis 1996

o membre des équipes "Boulonnais" de la Route du Poisson 1991, "Bienvenue à la ferme" de 95 et "Traits de Génie" de 97 et 99.

- Le groom :

o fait partie de la section attelage du club hippique de la Courneuve, et du groupe de cavaliers spécialisés sur CT

o suit une formation fédérale en attelage (Galop 4 de la Fédération Française ses Sports Équestres), et se perfectionne avec Luc Michelon dans le cadre des activités de l'omnibus de la Courneuve.

- Le Conseil Général : réseau (informel) des expériences de gestion écologique de l'espace péri-urbain

 

11. ASPECTS ECONOMIQUES

- Le budget "omnibus" du Conseil Général comprend :

o l'investissement initial (voiture, chevaux, harnais, hangar construit au club)

o le coût de fonctionnement (prestation du cocher et entretien des chevaux : pension, ferrure tungstène). L'arrangement initial est en rediscussion, car le coût des ferrures a considérablement augmenté avec le succès de l'École d'attelage du club.

- Depuis 1996, l'activité est subventionnée. Dans le calcul économique, le bénéfice environnemental et social est comptabilisé (comme dans la circonscription du Bois de Vincennes).

 

12. PERSPECTIVES

- Pour la directrice du Parc de la Courneuve, l'activité est en place (pas de développement, sinon une bonne publicité)

- Un développement en semaine pour les "scolaires" pourrait être envisagé (nombreuses sollicitations)

- D'autres collectivités territoriales (Conseils Généraux ou régionaux, Villes) sont-elles prêtes à subventionner une activité qui ne paraît pas suffisamment rentable dans un raisonnement économique classique (aléas climatiques, fréquentation incertaine du parc) ?

 

13. CONTACTS

Luc Michelon , les Traits Volants, 19 Grande rue, 60430 Abbecourt. Tél. 03 44 89 25 53

 

14. FICHES À CONNECTER (POUR POURSUIVRE LA RECHERCHE)

- Les Traits Volants

- Syndicat de cochers (voir fiche correspondante)

- Club hippique de la Courneuve : école d'attelage, et équitation spécialisée sur CT

- Thierry Sedent, maréchal-ferrant, meneur de chevaux de trait

- Politique verte de Département

- Brigades à cheval (gardes et policiers, avec la formation équestre au club de la Courneuve)

- Entreprise Claude Auger

- Les tramways de Dysneyland

- Équipes boulonnaises des Trophées des Salons du Cheval et de l'Agriculture (1997-1998) : Luc Michelon s'y retrouve en compagnie d'éleveurs plus ou moins proches du Syndicat d'élevage, facteurs de changement dans le berceau

- Bernard Celeyron, dresseur, meneur de grands attelages (à six chevaux) et formateur (intervenant dans un club hippique de l'Oise), héritier de l'art du menage urbain (coaching) du début du siècle

- Maisons de cochers de la première génération du cheval-spectacle et promenade publique dans Paris (également héritières de la pratique du menage, pionnières de la location d'attelages : Debut de Roseville, Demanet, Rosay...)

- Association Traits de Génie (voir la fiche correspondante)

 

15. SYNTHESE ET PISTES DE RECHERCHE

- Réinvention du cheval de trait et du métier de cocher :

o Le cheval de trait est à la fois un tractionneur de force qui transporte du public en faisant le spectacle ("Un omnibus tiré par trois superbes chevaux, comme autrefois" dit le prospectus du Conseil Général sur le Parc et l'activité équestre), et il s'est par ailleurs très bien intégré à la cavalerie d'un grand club hippique de la périphérie parisienne (sous la selle et à la voiture).

o Ces chevaux de trait participent de l'activité professionnelle d'un néo-cocher et néo-éleveur de chevaux de trait (race boulonnaise), qui expérimente ce qui fut l'ordinaire des employés de la Compagnie des omnibus (en bien plus tranquille toutefois et bien mieux rémunéré, avec un statut professionnel plus gratifiant).

- Intégration dans la culture cavalière urbaine

o Les chevaux de trait départementaux de la Courneuve ont contribué à donner corps aux slogans des Haras Nationaux "cheval de trait, cheval utile" et "un cheval de trait par club hippique" lancés en 1992. Ils jouent un rôle actif dans la diffusion d'une nouvelle image collective de l'animal.

o Bien qu'ils aient été achetés en dehors de l'action "un cheval de trait par club hippique" des HN, ils sont donc un bon exemple d'intégration du CT dans la culture "club équestre" (le Cob, race intermédiaire, s'y prête particulièrement bien) et d'une reconnaissance de l'activité d'attelage (souvent dévalorisée par les cavaliers).

o À suivre plus particulièrement : l'activité des "cavaliers Cobs" (nom donné aux cavaliers spécialistes du CT) dans les reprises. Peu nombreux - parmi les adeptes de l'attelage - ils ont dû affronter une résistance et un certain mépris de la part des autres cavaliers (et des moniteurs d'équitation). Militants du CT, ils effectuent un travail équivalent à celui qui avait été accompli dans les années 1975-1980 par les pionniers de l'attelage du CT.

- De fortes motivations éthiques pour ce réseau du cheval de trait départemental de la Courneuve

o Du meneur spécialiste de location d'attelage en ville, éleveur et utilisateur fidèle au Boulonnais, à la directrice du Parc et au noyau des adeptes au club UCPA : tous les partenaires ont le désir de sauvegarder le cheval de trait ; on se réfère à la catégorie CT en général - opposée aux chevaux de sang ou on s'attache à des races spécifiques (Boulonnais, Cob normand).

o Les valeurs sont diverses (et diversement combinées) : sensibilité écologique, goût pour "faire du social", bénévolat et sociabilité autour d'un loisir très mobilisateur au club hippique...

o Cette attitude militante est d'autant plus marquée que la situation est pionnière : tous ces acteurs contribuent à l'intégration du cheval de trait dans la culture équestre classique et à sa réintégration dans des tâches urbaines, sur l'espace public. On cherche à le faire connaître et reconnaître.

o Luc Michelon, leader du système "omnibus à la Courneuve" marque son opposition à des pratiques purement commerciales et individualistes (attitude du premier prestataire de l'omnibus, vendeur de la voiture, des chevaux, des harnais et de l'activité) ; il est membre fondateur du Syndicat de cochers (voir la fiche correspondante).

- Le cocher de la Courneuve appartient au petit groupe des pionniers-passeurs de l'attelage du CT, facteurs de diversificaion culturelle, attachés à une race et créateurs d'une petite entreprise. Se spécialisant dans les animations, urbaines en particulier, il a cessé de mener en compétition (championnats de France), pour des raisons financières (l'attelage sportif est un luxe coûteux et lui "essaye de gagner sa vie" avec ses attelages), et d'incompatibilité de dressage et de calendrier (les concours et les animations tombent les week-ends). Il reste néanmoins attaché aux Routes annuelles, qui ne se vivent pas comme de la compétition, mais une activité militante et collective (esprit d'équipe) de promotion du CT. Les activités étaient donc polyvalentes au départ, pour se différencier nettement par la suite (professionnalisation).

 

16. DATE DE VALIDATION PAR LES ACTEURS : 22 novembre 1999