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Rapport "Chevaux de trait : le retour ?"

IV. VILLES

2. Fiches de terrain

Fiche N°6 : Chalon Calèche (Chalon-sur-Saône)

 

 1. REDACTEUR : Bernadette LIZET

Date de la rédaction : 20 avril 1999

 

2. INTITULE : Chalon Calèche (nom donné par l'Office de Tourisme)

Pour le meneur (qui se dit meneur plutôt que cocher) : promenades en calèche

Mots-clef : Centre ville, roulottage touristique, mutation professionnelle, néo-éleveur, trait-tract, réseaux néorural du Morvan, réseau du berceau d'éleveur de l'Auxois.

 

3. ORGANISME

Initiative d'un particulier, agriculteur (néorural) en mutation professionnelle. Pierre Charollois, à Sens-sur- Seille (Saône-et-Loire).

Partenariat avec l'Office de Tourisme de Châlon-sur-Saône

 

4. SOURCES D'INFORMATION

Entretien à Sens-sur-Seille (31 avril 1998), et articles de presse

 

5. DATES, DUREE, PERIODICITE DE L'OPERATION

- Engagement pris en 1997, mis en place en 1998 (début mai à fin octobre)

- Expérience non reconduite

 

6. REPERES HISTORIQUES, GEOGRAPHIQUES ET SOCIAUX

- Le cocher de Châlon-sur-Saône

o Six ans avant la retraite, Pierre Charollais a dû arrêter son petit élevage de chèvres (20 bêtes, d'orientation biologique mais sans label, sur 18 ha, avec vente directe de fromages sur les marchés Lons-le-Saunier et de Châlon-sur-Saône), pour mise aux normes sanitaires européennes.

o C'est le contact des attelées de travail dans la ferme d'un oncle maternel vosgien qui lui a donné le goût du cheval de trait.

o Représentant en matériel de Travaux Publics de son premier métier (exercé dans la région parisienne), il s'est installé éleveur de chèvre et fromager à Sens-sur-Seille voilà quinze ans.

o Il a démarré en même temps un élevage de Percherons (jusqu'à douze, dont un étalon approuvé), dotés de leurs "papiers". Il les présentent en concours de modèles et allures depuis 1985 et pratique un attelage familial de loisir. Il possède actuellement 6 juments (percheronnes et ardennaises-auxoises), dont la plupart dont dressées.

o C'est un adepte de la première heure du Trait-Tract (le "Mondial Percheron" de 1989, mais aussi "l'International" de Sommant, dans le Morvan, en 1986), et il est très lié au réseau des meneurs pionniers des Écuries du Morvan (voir la fiche) : en 1990, il participe au spectacle "son et lumières" Augustidunum d'Autun, dans le défilé du début et comme groom de char (dans la course) et fait partie de l'Équipe du Morvan de la Route du Vin et des Écluses, en 1992).

o C'est le responsable du Centre de Traction Animale de Verdun, Bernard Provost (un ami personnel) qui lui a donné l'idée d'une installation professionnelle, en lui rendant compte de l'activité de promenade touristique développée à Metz depuis 1992.

o Lorsqu'il a conçu le projet de promenade en voiture à cheval de Châlon, P.C. était totalement équipé (chevaux, harnais et voitures - sauf pour le camion) . Il était par ailleurs couvert par son assurance agricole.

o En 1997, il a démarché l'Office de Tourisme de la ville, qui a immédiatement adhéré au projet

o Il possède l'expérience de la conduite agricole du CT (transmission familiale), mais n'a reçu aucune formation spécialisée. Pourtant plutôt "meneur" (culture "Routes") que "cocher".

 

- la ville de Châlon

o petite ville au tourisme tranquille (centre historique, bords de la Saône navigable)

 

7. ACTEURS

Idem que 3

 

8. DEFINITION DE L'ACTION

L'expérience réalisée

- La voiture est une jardinière de 8 places, bien restaurée et transformée pour accueillir des passagers. Le cocher est "habillé proprement, parce qu'il faut avoir le respect de sa clientèle" (mais pas une tenue de cocher: trop de frais).

- Le parcours (20 mn à 1/2 h, essentiellement du pas, un peu de trot) a été établi par l'Office de Tourisme, en concertation avec la Police et le chef de la Voirie. Le meneur commente sa visite : un érudit châlonnais lui a appris l'histoire des quartiers, et il a enrichi sa connaissance auprès des clients, en très majorité du pays ("vous ne pouvez pas savoir ce que les Châlonnais aiment et connaissent leur ville"...).

- Les clients prennent leur billet à l'Office de Tourisme. Stationnement devant l'Office de Tourisme, ou la cathédrale (communication par téléphone portable).

- Selon le meneur, cette clientèle serait composée à 90% par des habitants de Châlon, des villes et des campagnes avoisinantes : les centres aérés et les écoles n'ont pas été touchés.

- Deux parcours :

o en semaine, vieille ville

o le week-end : les quais de Saône

- Logement des chevaux et du matériel dans les anciens docks napoléoniens mis à disposition par la Ville (et aménagés par P.C.) ; transports effectués par un tiers.

- Repas du meneur " sur le pouce" (gamelles maisons, ou cafétaria)

 

Une expérience non reconduite

- Pierre Charollois escomptait en vivre toute l'année, et n'a pu en tirer qu'un salaire sur deux mois, juillet et août (mai et septembre ne sont pas rentables : la saison est trop courte et le taux de remplissage de la voiture insuffisant, en particulier sur la voie verte des Quais de Sâone).

- Il a dû faire face à une série de problèmes de santé (et donc financiers ) avec ses chevaux : au printemps 1997, la jument très bien dressée sur laquelle il avait bâti son projet (il s'était déjà engagé avec l'OT) meurt en poulinant ; il achète dans l'urgence une jument percheronne spécialiste du service urbain (provenance : Caen). Achat onéreux (urgence, bête de service immédiatement opérationnelle) et malheureux. La bête est devenue inutilisable au bout de trois mois (mal de garrot).

- Ne pouvant se professionnaliser au travers de cette activité, ni reprendre une activité agricole rentable, P.C. a donc pris la décision de renouer avec son métier initial (voyageur de commerce, spécialité : matériel de travaux publiques).

- P.C. avait trouvé un repreneur (le gérant d'un club hippique proche de Châlon, qui a une section attelage avec des CT, Percherons et Comtois), et le conseiller : le projet n'a pas abouti.

 

9. CAVALERIE

- Deux juments percheronnes à la base du projet : disparution de la première au printemps 1997 (poulinage) et indisponibilité de la deuxième (qui s'est révélée trop peureuse pour la ville)

- Achat d'une Percheronne rôdée au travail en ville (Caen)

- Prêt d'une Auxoise par le réseau d'entraide des éleveurs auxois (M. Bizouard)

 

10. INSCRIPTION DANS DES RESEAUX

- Eleveurs de CT de race (Percherons, Ardennais-Auxois) de Saône-et-Loire

- Les Écuries du Morvan, à l'époque fondatrice du Trait-Tract, les débuts du spectacle Augustodunum d'Autun et la Route du Vin et des Écluses (1992).

 

11. ASPECTS ECONOMIQUES

- Frais d'investissement

o Équipement préexistant : la jardinière restaurée (8 000 f), le harnais neuf (6000 F)

o Achat deux deux jument de service à 15 000 f (30000 f)

- Bénéfices sur la saison 1998

o 30 f la place pour les adultes, 15 f pour le enfants âgés de plus de 5 ans, gratuit pour les plus petits, pris sur les genoux

o Total des ventes sur la saison : 23697 f

- Charges

o Tansport des chevaux (quatre aller et retour Sens-sur-Seille/Châlon : 1200 f, et livraison d'une jument de secours, prêtée, depuis début août)

o L'Office de Tourisme prélève 10% sur ces recettes, mais se charge de toute la publicité (jugée très insuffisante)

o Frais d'eau et d'électricité pour le logement des juments dans les docks

o Ferrure tungstène (420 f), 6 semaines

o Achat de la jument de secours (15 000 f, revente à perte : 10 000 f). Le total des charges est donc de 64350 f (en tenant compte de l'achat des deux juments).

 

12. PERSPECTIVES

Voir 15

 

13. CONTACTS

Pierre Charollois, La Serrée, Sens-sur-Seille 71330. Tél 03 85 74 70 15

 

14. FICHES À CONNECTER (POUR POURSUIVRE LA RECHERCHE)

- Le restaurateur de véhicules hippomobiles anciens de Pierre de Bresse (actuellement à la retraite)

- Entraide auxoise : réseau des éleveurs (M. Bizouard, qui a prêté l'Auxoise de remplacement)

- Le maréchal-ferrant de Chagny, spécialisé en CT (200 dans sa clientèle : forge portative, et travail mobile derrière la camionnette)

- La section attelage du club hippique de Frontenaud (Côte d'Or), repreneur pressenti

- Les promenades en calèche à Autun (bilan de l'expérience 1998, et projet Attelages du Morvan, couplage Autun/Mont Beuvray) et à Decize (analyse comparée) : voir les fiches correspondantes

- La calèche de Caen (les Attelages du Londel, voir la fiche)

- La formation de cocher-conteur (A. Houard)

- Les courses de Trait-tract (Mondial Percheron 1989, International de Sommant 1986)

- Les Écuries du Morvan (Augustodunum 1990, Route du Vin et des Écluses - équipe du Morvan)

- Réseau des poulains attelés vendus par PC dans un rayon d'une centaine de km (sur les foires)

 

15. SYNTHESE ET PISTES DE RECHERCHE

- Une installation professionnelle sur la base de la promenade attelée se heurte à de nombreuses difficultés :

o elle n'est possible que dans les villes de fréquentation touristique importante (trop faible à Châlon)

o elle s'équilibre de toutes façons avec un développement parallèle d'animations en d'autres saisons (semaines commerciales, Père Noël etc.)

o elle implique une très bonne organisation publicitaire (exploration méthodique des circuits de centres aérés et des écoles ; liaison avec d'autres circuits et d'autres produits touristiques : à Châlon, articulation à faire avec les croisières de la Saône)

- Il est difficile de refaire la place du cheval de travail dans l'espace public des villes, réglementé par des administrations peu enclines au changement (Préfecture, Services techniques, Voirie) : une sorte de guerre d'usure sévit, en particulier en ce qui concerne l'attribution des autorisations annuelles de circulation.

- L'activité de voiturage touristique attelé est déterminée par l'attitude de l'Office de Tourisme, qui peut percevoir l'installation d'un cocher dans la ville comme une concurrence gênante (ce n'est pas le cas à Châlon, où le partenariat était respectueux des positions respectives)

- L'adéquation entre les parties intéressées est délicate, et suppose une certaine souplesse dans la phase d'installation, qui présente un caractère expérimental.

- Il faut une forte motivation, un esprit de collaboration attentif, pour ce qui est une véritable expérience technique, un réapprentissage de la pratique

- Dans le cas de Châlon :

o Il a pu envisager cette installation car il était déjà équipé (cheval, harnais, voiture, savoir-faire technique)

o Il pouvait s'appuyer sur un réseau de solidarités régionales dans le milieu du CT

o L'expérience est fortement marquée par un esprit de bricolage (au sens positif du terme) entre les pratiques de l'élevage et de l'utilisation multiforme du CT (concours de race, attelage de loisir eet de compétition) et de pluriactivité, dans un environnement social et culturel de néoculture du CT.

o Pierre Charollois (et l'Office de Tourisme) ont sans doute surévalué le pouvoir d'attraction du produit, en particulier sur les quais du fleuve: les touristes payent pour déambuler en ville, et pas en espace vert

o Contraintes contextuelles et personnelles : PC se trouvait dans la nécessité de tirer un revenu professionnel de l'activité ; il a dû affronter une série de problèmes graves de santé avec sa cavalerie.

- Le service urbain met les chevaux à rude épreuve ; il les exige en pleine forme physique, totalement rôdés et dotés de qualités d'endurance, de générosité au travail et d'un grand calme. Même les plus tranquilles finissent par devenir craintifs vis-à-vis de certains bruits et mouvements de la ville (pétards, cerf-volants, patins à roulette - plus difficiles à accepter que les marteaux-piqueursà Châlon).

- Le métier de cocher touristique apporte un enrichissement culturel dans un échange permanent autour de l'histoire de la ville et de ses quartiers (de l'érudit local au cocher et aux passagers).

 

16. DATE DE VALIDATION PAR LES ACTEURS : 26 mai 1999