Epreuves et critères de sélection des chevaux de trait Ardennais (1900-1950) (article envoyé sur la liste hippomobile par P.Laurant, éleveur de chevaux belges) Voici ici une source précieuse d'inspiration pour l'établissement d'un nouveau programme de modernisation de la race Ardennaise. Simple retour aux sources, réservoir d'objectifs, mais à moduler en fonction de besoins nouveaux, c'est la sagesse et l'art d'élever des chevaux qui décideront des préceptes à respecter : «La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience trompeuse, le jugement difficile » dit l'homme sage. professeur DECHAMBRE. (1912) La sélection objective : 1°) Suède La tradition de l'élevage Ardennais est solidement ancrée depuis plus d'un siècle dans les régions où sol et climat se rapprochent le plus de l'Ardenne. La sélection opérée là-bas s'est inspirée des recommandations qui ne furent jamais mises en vigueur sur le Continent, tant en Belgique qu'en France. 1) Les étalons Ardennais de 4 ans (ainsi que les Suédois du Nord), dont l'extérieur a été approuvé lors de l'expertise de 3 ans, doivent passer une épreuve d'utilisation pour être définitivement admis à la monte publique. 2) Une attestation d'aptitudes à l'attelage est exigée pour les étalons dont l'extérieur n'a pas été expertisé. 3) Les étalons de 4 ans et plus dont l'extérieur n'a pas été expertisé antérieurement doivent passer l'épreuve d'utilisation en même temps que se fait l'expertise en vue de leur admission à la monte publique. L'épreuve doit se dérouler sur un terrain long de 300 à 500 m. Un véhicule à 4 roues doit être utilisé ; il doit être chargé d'au moins 900 Kg Toutefois il est tenu compte de la configuration du terrain pour la charge du véhicule. Les aptitudes suivantes sont à juger : Nbre de points : 1) Attelage et dételage (un assistant peut aider) 10 2) Démarrage, technique et volonté de traction : 10 3) Arrêts : 10 4) Reculer (avaloire conseillé ) 10 5) Tempérament, volonté de collaboration et obéissance : 10 Maximum de Pts. 50 Un membre du jury doit être membre de la Commission d'expertise. On additionne les points obtenus et le résultat est divisé par 5. Le nombre moyen de points obtenus doit être au moins de 5 et le minimum pour chacune des aptitudes au moins égal à 4 pts (seule exception : le reculer). Pour atteler le cheval, l'éleveur agissant seul dispose de 5 minutes. Passé ce délai l'épreuve a échoué. Elle peut être recommencée une seule fois dans la même journée. Le harnachement doit être bien ajusté et être bridé d'un mors de type admis. L'enrênement n'est pas admis. Une épreuve réussie qualifie l'étalon pour le code de valeur AB. L'épreuve doit être accessible pour des étalons qui ont déjà été admis à la monte publique (avant 1995) pour qu'ils puissent obtenir le code AB. Les juges ont le droit d'interrompre l'épreuve d'utilisation s'ils l'estiment justifié du point de vue de la sécurité. Echelle des points à employer pour l'épreuve d'utilisation des races lourdes : 10 Exemplaire, 9 Excellente, 8 Très bonne, 7 Bonne, 6 Satisfaisante,5 Approuvée, 4 Approuvée avec hésitation, 3 Non Approuvée, 2 Mauvaise, 1 Epreuve non exécutée. La Suède compte encore un effectif important de chevaux Ardennais. Elle importe régulièrement de Belgique quelques très bons reproducteurs. Taille, tour de poitrine et tour de canon sont systématiquement mesurés. La cotation privilégie l'encolure, l'inclinaison de l'épaule, la rectitude du dos et une parfaite triangulation des os de la croupe. Un cheval qui se déjuge sera sanctionné ; par contre s'il se méjuge, il recevra des bonifications. Les allures revêtent une importance capitale car le pays est très vaste et les distances à parcourir souvent très longues. Les chevaux Ardennais sont encore utilisés quelque peu dans les travaux agricoles mais surtout dans les travaux forestiers. Ils participent aussi à la chasse à l'élan pour ramener ce pesant gibier (70O Kg et plus) à travers bois, parfois sur de très longues distances et dans la neige. Le stud-book Ardennais Suédois existe depuis 1901. Des importations de géniteurs Belges sont pratiquées régulièrement depuis lors. Un commerce soutenu se pratique avec le stud-book Ardennais de POLOGNE, principal client des éleveurs suédois. On connaît la généalogie de tous les étalons sur 5 voire 10 générations. On y retrouve fort souvent des origines Ardennaises Belges réputées mais aujourd'hui disparues du pays d'origine. 2°) Allemagne. La Maison Rustique publie en 1947 un traité de zootechnie apportant bien des précisions quant aux méthodes de sélection des chevaux agricoles en Allemagne. Nous pouvons y trouver de quoi alimenter nos recherches actuelles pour un renouveau des « lourds », nos chevaux laboureurs appelés ainsi maintenant avec tant de désobligeance. Le livre ayant été publié en 1947, on peut aisément comprendre que la description de ces concours remontant à la période d'avant guerre doivent encore être en usage dans les années 1950. A) Concours pour chevaux de labour : · Deux chevaux · Parcours sur route · Charge de 35 quintaux (allemand = 50 Kg) soit 1.750 kg · Au pas : 3 Km en 27 minutes soit 6,7 km/h · Au trot : 3 Km en 12 minutes soit 15 km/h Contrôle de pulsations et respiration : 10 minutes avant l'épreuve et 10 minutes après ; (pas de précisions en ce qui concerne les normes ???) B) Epreuve de traction lourde : · Deux Chevaux · Sur route solide ( nous en déduisons ni sur gazon, ni sur chemin en terre etc..) · 30 kilomètres : les roulements à bille et les pneumatiques sont interdits. · Au pas : aller sur 15 km avec une charge de 50 quintaux (2.500 kg) Temps minimum à l'aller : 8,5 minute par km et 9.5 min maximum soit 7 km/h à 6,3 km/h · arrêt de 30 minutes · Au trot : retour sur 15 km, voiture vide, trot à discrétion sauf les trois derniers km au pas. Minimum 5 et maximum 6 minutes au km, soit : 12 km/h à 10 km/h C) Epreuve de Charrue : ce qu'il faut surtout en retenir est le calcul de la force dynamométrique. Il doit être possible avec la collaboration de l'Université de Liège de mettre au point un appareil adapté au cheval. · 3 chevaux · Durée 8 heures de travail · Energie de traction (dynamométrie ?) 150kg/cheval et 360kg pour l'attelage, (il existait autrefois un palonnier spécial équipé d'un dynamomètre : appareil destiné à mesurer la force de traction. En Belgique on utilisa l'appareil de Visser ( Hollande). (voir ci-dessous : description de l'unité de force, le Newton) · 70 mètres par Minute, soit 4,200 km/h. Les unités mécaniques décrivent les grandeurs suivantes : vitesse, accélération, force, énergie, puissance, tension capillaire, viscosité, moment d'une force, pression. Ces grandeurs mécaniques sont couramment décrites par des unités dérivées d'unités de base du système SI. Le newton (unité de force, symbole N) est l'intensité de la force qui communique à une masse de 1 kg l'accélération de 1 m/s 3°) La Hongrie. C'est principalement l'Ardennais importé de Belgique (et quelques Percherons) qui est à l'origine de la race toujours connue maintenant dans les environs de Murakôz, sur la rivière MURA : le MURAKÔZI, tout à fait adapté au "travail de la ferme" et assez puissant pour labourer les terres les plus lourdes. (Encyclopédie du cheval - 1994 - BORDAS). Aujourd'hui, c'est le haras de BOJL (près de PECS) qui assure la sélection des étalons à Békàpuszta. En 1995, M. Janos MULLER , responsable local de l'Association Nationale d'Equitation nous informa que 59 chevaux Ardennais venant de Belgique et 19 percherons de France sont arrivés en 1948. Mais des fermiers Hongrois avaient déjà acheté des Ardennais avant la guerre. (vers 1925 et 1935). Ils en sont toujours très contents. Une nouvelle importation eut lieu en 1980. Les Ardennais hongrois ont été fort peu mélangés aux « sangs froids »Hongrois. On peut dire qu'ils sont restés relativement intacts. Des épreuves d'aptitudes sont obligatoires lors de l'expertise qui a lieu à 2 ½, 3 ans : 2 km de traction d'une charge ; 4 km de trot ; 3X25 m de dynamométrie ; mesures au chronomètre des allures pas /trot /galop. Les jeunes de six mois sont achetés par le haras dans la région Transdanubienne et revendus là-bas à l'âge de trois ans. 4°) La France. C'est vers 1910, que les militaires imposèrent une modification sensible du standard Ardennais, car on vient de changer de canon : le 90 (quatre-vingt-dix) ira à la mitraille, car il s'est révélé bien peu efficace, autant en 1814 qu'en 1870. Remplacé par le 75 qui, avec le caisson formant avant-train, pèse 2.400 kg, ce canon exigera la force de 6 chevaux d'au moins 550 kg, toisant entre 1,54 et 1,62 m maximum et d'une largeur corporelle égale à la taille. Rendons-nous bien compte que pour satisfaire à cette exigences militaire, le poids moyen de nos chevaux devra doubler. (voir manuel du charron : 1823-1908) La traction du canon exige un cheval semi-gros / semi-rapide offrant autant de force que de vitesse. Remarquons ici que c'est l'usage qui va être fait du cheval en question qui fixe les règles de sa sélection. En voici le coefficient de pointage : (d'après Dechambre) Tableau de pointage ­ Coefficient Poids favorable = 500 Kg 1/2 Proportions = médiolignes 1/2 Energie, état des gdes fonctions 1 Epreuve à la voiture 1 Membres et pieds ; aplombs 3 Eléments métriques : Périmètre thoracique : 1,84 m Longueur scapulo-ischiale 1,60 m Taille au garrot 1,60 m Indice corporel 0,87 m Dans son traité de zootechnie sur l'espèce équine, voilà en quels termes s'exprimait alors un professeur de Zootechnie de renom, le professeur DECHAMBRE. (1912) : « Ce cheval subira un examen attentif des membres et des pieds car "une défectuosité acceptable pour un service au pas comme le gros trait lent ne l'est plus avec un service où l'on exige de la vitesse". Le cheval d'artillerie se résume ainsi : "modèle régulier, aussi haut que long, solidement charpenté, trapu, près de terre, droit, court et large dans son dessus, supporté par des membres forts et bien dirigés ; d'un poids d'environ 500 kilogrammes, d'une taille de 1,54 m à 1,62 m correspondant à un indice de compacité de 8,5 à 9,5 ; avec de l'ampleur, de la puissance, assez de sang, de la docilité et de la franchise sans nervosité. La production de ce type de cheval doit être encouragée car il convient aussi à la petite et à la moyenne culture, au commerce et à l'industrie des transports ».